Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/136

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livides et expirants sous les coups redoublés d’une divinité terrible.

L’œuvre est consommée ; l’Égypte est anéantie ; les enfants de Jacob sont descendus chez les morts ; ministres et prêtres du Très-Haut, Moïse et Aaron vont bientôt n’être plus. Deux hommes restés seuls des esclaves de l’Égypte vont conduire les enfants des morts dans une terre si souvent promise et si chèrement achetée.

Petits-fils d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, écoutez pour la dernière fois votre chef que vous allez perdre : Hæc dicit Dominus. Voici les décrets de l’Éternel. Vous avez vu périr vos pères, et vos enfants à leur tour seront étouffés sur vos cendres. Vous avez des juges ; vous aurez des rois. Juges, rois, peuples, tout sera exterminé. La guerre, l’esclavage, la peste, la famine et la lèpre seront votre partage. On vous aura vus riches, puissants, redoutables, l’effroi des nations. Sans rois, sans prêtres, sans sacrifices, sans lois, errants par toute la terre, on vous verra l’opprobre des autres nations, le rebut et l’exécration des hommes.

Quelle tendresse dans un Dieu souverainement bon ! quelle modération dans un Dieu souverainement juste, sage et miséricordieux, pour un peuple qu’il a choisi, qu’il a conduit, qu’il chérit par prédilection sur tous les autres peuples, pour lequel il avait épuisé les trésors de sa providence et fait agir tous les ressorts de son pouvoir suprême jusqu’à interrompre l’ordre immuable de la nature entière ! Est-ce bien là le Dieu de l’univers, le Dieu que je dois reconnaître et adorer ? Ai-je en effet trouvé la vérité que je cherche ?

Meurs, Moïse, meurs, tyran destructeur. Que le ciel t’écrase de ses foudres vengeurs ; que la terre irritée comme le ciel, de ta perfidie et de ta cruauté, s’entr’ouvre sous tes pas criminels et t’engloutisse, monstre abominable, dont l’haleine empestée a soufflé sur toute la surface de la terre les semences empoisonnées du plus horrible et du plus détestable fanatisme dont elle est encore malheureusement infectée ; que ta mémoire abominable reste en horreur dans tous les siècles et chez tous les hommes, et périssent ceux qui la révèrent !

Et vous, peuple furieux et insensé, hommes vils et grossiers, dignes esclaves du joug que vous portez… allez, reprenez vos Livres, et éloignez-vous de moi.