Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/147

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de fine plaisanterie, de cette fleur de gaieté, de ces naïvetés heureuses si nécessaires aux bons contes. » (Cinq Années littéraires, lettre iv.)

On voit que Clément prenait la chose comme il fallait la prendre. Palissot, plus sévère, ne voulut pas rire, et quand Voltaire le pria, ainsi que l’avait déjà fait le comte de B***, après la première édition de la Dunciade, de rayer dans les suivantes ses injures à Diderot, il répondit au patriarche avec indignation :

« À l’égard de M. Diderot, il est très-vrai que je ne l’ai jamais vu, mais je l’ai lu, par malheur pour l’un de nous deux ; et d’ailleurs, il est un de ceux dont j’ai eu le plus à me plaindre. J’en ai bien du regret, puisque vous paraissez l’aimer. Par la même raison, je suis plus fâché encore qu’il ait fait l’article Encyclopédie, le Fils naturel, le Père de famille, et surtout qu’on lui attribue les Bijoux indiscrets. »

La Harpe commence son article sur Diderot, dans la Philosophie du xviiie siècle, par une violente attaque contre ce livre. Parmi les reproches qu’il lui adresse, il insiste particulièrement sur ce point que, Mangogul étant évidemment Louis XV et Mirzoza Mme  de Pompadour, en ne disant pas d’injures à ces deux personnages, l’auteur n’avait fait qu’une œuvre « de la plus basse adulation. » La Harpe avait à ce moment — c’était après la Révolution — la mauvaise habitude de ne pas lire ce dont il parlait, et le défaut de ne pas se rappeler ce qu’il avait lu. Pour donner une idée exacte de sa méthode, nous n’en voulons citer qu’un exemple, mais il est topique :

« L’auteur, dit-il, si complaisant pour les Sultans, ne l’était pas autant, à beaucoup près, pour ses confrères les romanciers, car ces confrères étaient des rivaux, et des rivaux alors beaucoup plus connus que lui. Aussi ne les ménage-t-il pas. Il fait ordonner au sultan de Congo, pour somnifère, la lecture de la Marianne, de Marivaux, des Confessions, de Duclos, et des Égarements, de Crébillon fils. C’étaient précisément les trois romans nouveaux qui avaient eu dans le temps le plus de succès. Les trois romans que nous a laissés Diderot n’approchent pas du moindre de ceux-là : jugez de son équité et de sa modestie. »

Jugez de l’équité de La Harpe en ouvrant les Bijoux et en lisant à l’endroit indiqué par lui, chapitre xlvi, non pas somnifère, mais anti-somnifère, ce qui est quelque peu différent.

Les Bijoux sont un livre à clef. Cette clef n’a point été donnée par M. G. Brunet dans les deux volumes sous ce titre qu’il a tirés des papiers de Quérard. Nous indiquerons en note les découvertes que nous croirons avoir faites dans cette direction. Mais nous devons, dès à présent, dire que, quoiqu’il soit admis, malgré l’irrégularité de la filiation dans le roman, qu’Erguebzed est Louis XIV ; et Mangogul, Louis XV ; Mirzoza,