Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/203

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mangogul.

Qu’importe ?…

mirzoza.

Et à qui s’adresse-t-il ?…

mangogul.

À un de mes voyageurs…

mirzoza.

Vos voyageurs sont donc enfin revenus ?…

mangogul.

Assurément ; et vous l’ignoriez ?

mirzoza.

Je l’ignorais…

mangogul.

Ah ça, arrangeons-nous, ma reine ; vous êtes quelquefois un peu bégueule. Je vous laisse la maîtresse de vous en aller lorsque ma lecture vous scandalisera.

mirzoza.

Et si je m’en allais d’abord ?

mangogul.

Comme il vous plaira. »

Je ne sais si Mirzoza resta ou s’en alla ; mais Mangogul, reprenant le discours de Cyclophile, lut ce qui suit :

« Ce spectacle amusant, c’est celui de nos temples, et de ce qui s’y passe. La propagation de l’espèce est un objet sur lequel la politique et la religion fixent ici leur attention ; et la manière dont on s’en occupe ne sera pas indigne de la vôtre. Nous avons ici des cocus : n’est-ce pas ainsi qu’on appelle dans votre langue ceux dont les femmes se laissent caresser par d’autres ? Nous avons donc ici des cocus, autant et plus qu’ailleurs, quoique nous ayons pris des précautions infinies pour que les mariages soient bien assortis.

— Vous avez donc, répondis-je, le secret qu’on ignore ou qu’on néglige parmi nous, de bien assortir les époux ?

— Vous n’y êtes pas, reprit Cyclophile ; nos insulaires sont conformés de manière à rendre tous les mariages heureux, si l’on y suivait à la lettre les lois usitées.

— Je ne vous entends pas bien, répliquai-je ; car dans notre monde rien n’est plus conforme aux lois qu’un mariage ; et rien n’est souvent plus contraire au bonheur et à la raison.