Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/232

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sont éclipsés devant moi. Adressez-vous à mon secrétaire, qui vous dira ce qu’ils sont devenus. J’ai fort écorné le domaine du Biafara, et je possède une province entière du Béléguanze. Erguebzed me proposa sur la fin de ses jours… » À ces mots, Mangogul retourna sa bague, et fit taire le gouffre ; il respectait la mémoire de son père, et ne voulut rien entendre qui pût ternir dans son esprit l’éclat des grandes qualités qu’il lui reconnaissait.

De retour dans son sérail, il entretint la favorite des vaporeuses, et de l’essai de son anneau sur Thélis. « Vous admettez, lui dit-il, cette femme à votre familiarité ; mais vous ne la connaissez pas apparemment aussi bien que moi.

— Je vous entends, seigneur, répondit la sultane. Son bijou vous aura sottement conté ses aventures avec le général Micokof, l’émir Féridour, le sénateur Marsupha, et le grand bramine Ramadanutio. Eh ! qui ne sait qu’elle soutient le jeune Alamir, et que le vieux Sambuco, qui ne dit rien, en est aussi bien informé que vous !

— Vous n’y êtes pas, reprit Mangogul. Je viens de faire rendre gorge à son bijou.

— Vous avait-il enlevé quelque chose ? répondit Mirzoza.

— Non pas à moi, dit le sultan, mais bien à mes sujets, aux grands de mon empire, aux potentats mes voisins : des terres, des provinces, des châteaux, des étangs, des bois, des diamants, des équipages, avec les petits chevaux pies.

— Sans compter, seigneur, ajouta Mirzoza, la réputation et les vertus. Je ne sais quel avantage vous apportera votre bague ; mais plus vous en multipliez les essais, plus mon sexe me devient odieux : celles même à qui je croyais devoir quelque considération n’en sont pas exceptées. Je suis contre elles d’une humeur à laquelle je demande à Votre Hautesse de m’abandonner pour quelques moments. »

Mangogul, qui connaissait la favorite pour ennemie de toute contrainte, lui baisa trois fois l’oreille droite, et se retira.

CHAPITRE XXV.

échantillon de la morale de mangogul.

Mangogul, impatient de revoir la favorite, dormit peu, se leva plus matin qu’à l’ordinaire, et parut chez elle au petit