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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/30

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DIVERSITÉ ET ÉTENDUE
DE L’ESPRIT.


(INÉDIT.)




Le même raisonnement affecte-t-il également tous les hommes ? Cela ne se peut. Selon qu’il se lie dans notre tête avec un plus grand nombre d’idées vraies ou fausses, il nous paraît faible ou concluant ; il nous convainc ou ne nous touche pas. Il savait bien ce qu’il faisait cet avocat célèbre qui entremêlait dans ses plaidoyers les arguments les plus frivoles et les arguments les plus forts. Le juge en était surpris, et ne concevant pas comment un aussi habile homme se trompait aussi lourdement à la valeur des choses, l’avocat lui répondit que quand on servait un dîner pour un grand nombre de convives, il y avait des plats pour tous les appétits. Le juge, en recueillant les opinions, demanda à chacun la raison de la sienne ; il vit qu’aucun des plats de l’avocat n’était resté et reconnut le profond jugement de l’homme habile dont tous les paquets étaient allés à leur adresse.

Il n’est pas indifférent de connaître la tournure de tête des hommes. L’homme de cour doit être attaqué par la faveur du prince, le magistrat par la considération publique, le militaire par l’honneur.

Il faut du sens commun à l’un.

Il faut quelquefois une sottise à un autre.

J’ai eu quelquefois ce tact. Le curé de Deuil l’avait supérieurement.

Il y avait un salut fondé dans son église ; il était dit par le fondateur que ce salut se ferait tel jour, anniversaire de sa mort ; cet anniversaire tombait un lundi. C’était dans la belle saison, dans un temps où un jour suffit pour détruire toutes les