Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/304

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terre les plus policés, et leurs écrits, qui ont fait les délices de leurs contemporains, sont l’admiration du siècle présent. Approchez-vous, et vous apercevrez en bas-reliefs, sur les piédestaux qui soutiennent leurs bustes, quelque sujet intéressant qui vous indiquera du moins le caractère de leurs écrits. »

« Le premier buste que je considérai était un vieillard majestueux qui me parut aveugle[1] : il avait, selon toute apparence, chanté des combats ; car c’étaient les sujets des côtés de son piédestal ; une seule figure occupait la face antérieure ; c’était un jeune héros : il avait la main posée sur la garde de son cimeterre, et l’on voyait un bras de femme qui l’arrêtait par les cheveux, et qui semblait tempérer sa colère.

« On avait placé vis-à-vis de ce buste celui d’un jeune homme[2] ; c’était la modestie même : ses regards étaient tournés sur le vieillard avec une attention marquée : il avait aussi chanté la guerre et les combats mais ce n’était pas les seuls sujets qui l’avaient occupé ; car des bas-reliefs qui l’environnaient, le principal représentait d’un côté des laboureurs courbés sur leurs charrues, et travaillant à la culture des terres, et de l’autre, des bergers étendus sur l’herbe et jouant de la flûte entre leurs moutons et leurs chiens.

« Le buste placé au-dessous du vieillard, et du même côté, avait le regard effaré[3] ; il semblait suivre de l’œil quelque objet qui fuyait, et l’on avait représenté au-dessous une lyre jetée au hasard, des lauriers dispersés, des chars brisés et des chevaux fougueux échappés dans une vaste plaine.

« Je vis, en face de celui-ci, un buste qui m’intéressa[4] ; il me semble que je le vois encore ; il avait l’air fin, le nez aquilin et pointu, le regard fixe et le ris malin. Les bas-reliefs dont on avait orné son piédestal étaient si chargés, que je ne finirais point si j’entreprenais de vous les décrire.

« Après en avoir examiné quelques autres, je me mis à interroger ma conductrice.

« Quel est celui-ci, lui demandai-je, qui porte la vérité sur ses lèvres et la probité sur son visage ?

  1. Homère.
  2. Virgile.
  3. Pindare.
  4. Horace.