Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/411

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très distinctement et presque sans effort, ce qui ne lui était jamais arrivé de sa vie. L’heure du bal vint. Je l’ouvris avec elle, c’est-à-dire que la princesse commença avec moi une révérence qui n’aurait point eu de fin, par la lenteur avec laquelle elle pliait, lorsque ses quatre écuyers de quartier s’approchèrent, la prirent sous les bras, et m’aidèrent à la relever et à la remettre à sa place. »


Ici la chatouilleuse, qui avait peut-être aussi quelque, arrangement, s’arrêta, et la maligne sultane lui dit : « Je ne vous conseille pas mademoiselle, de vous lasser si vite : cet endroit m’intéresse à un point surprenant ; je n’en fermerai pas l’œil de la nuit. Seconde, continuez. »

la seconde femme.

Je crus qu’il était de la décence de l’entretenir de votre amour et du bonheur que vous vous promettiez à la posséder. Je m’étais étendu sur ce texte tout à mon aise, lorsqu’elle me demanda quel âge vous pouviez avoir. C’était, à ce qu’on m’a rapporté, une des plus longues questions qu’elle eût encore faites. Je lui répondis que je vous croyais soixante ans.

— Vous en avez bien menti, dit Zambador à son fils ; je n’en avais pas alors plus de cinquante-neuf. »

Le prince s’inclina et continua, sans répliquer, l’histoire de son ambassade. « À ce mot, dit-il, Lirila soupira ; et je continuai à lui faire votre cour avec un zèle vraiment filial ; car je vous observerai qu’elle était nonchalamment étalée, qu’elle avait les yeux fermés, et que je lui parlais presque convaincu qu’elle dormait, lorsqu’il lui échappa une autre question. Elle dit, éveillée, ou en rêve, je ne sais lequel des deux : « — Est-il jaloux ?…

« Madame, lui répondis-je, mon père se respecte trop et ses femmes, pour se livrer à de vils soupçons. »

— Voilà qui est bien répondu, dit Zambador. La première Pagode vacante, j’y nommerai votre précepteur.

« — Mais, continua le prince, lorsqu’il s’avise de s’alarmer, bien ou mal à propos, sur la conduite de quelqu’une de ses femmes, il en use on ne peut mieux. On leur prépare un bain chaud ; on les saigne des quatre membres ; elles s’en vont tout doucement faire l’amour en l’autre monde, et il n’y paraît plus. »