Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/416

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mot ; mais j’ai joui assez longtemps de votre impatience. Assez. Et vous, premier émir, songez à ménager pour demain votre poitrine ; car je ne veux rien perdre, et votre tâche sera double. Quelle heure est-il ?

— Deux heures du matin.

— J’ai fait durer ma méchanceté plus longtemps que je ne voulais. Allez, allez vite.


QUATRIÈME SOIRÉE.


la sultane.

Je trouve mon lit mal fait… Où en étions-nous ?… Est-ce toujours le prince qui raconte ?

— Oui, madame.

— Et que dit-il ?

la première femme.

Il dit : « Je ne sus d’abord où je me retirerais. Après quelques réflexions sur mon ignorance, car je n’avais jamais donné dans ces harangues où l’on me félicitait de mon profond savoir, il me prit envie de renouer connaissance avec Vérité, chez laquelle j’avais passé mes premières années. Je partis dans le dessein de la trouver ; et comme je n’étais occupé d’aucune passion qui m’éloignât de son séjour, je n’eus presque aucune peine à la rencontrer. Je voyageai cette fois dans des dispositions d’âme plus favorables que la première. Les femmes de votre cour, seigneur, et la princesse Lirila ne me donnèrent pas les mêmes distractions que les jeunes vierges de la guenon couleur de feu. »

la sultane.

Je crois, en effet, que l’image d’une jolie femme est mauvaise compagnie pour qui cherche Vérité.

la première femme.

« J’avais entièrement oublié les usages de la cour de cette fée, lorsque j’y arrivai ; et je fus tout étonné de n’y voir que des gens presque nus. Les riches vêtements dont je m’étais précautionné m’auraient été tout à fait inutiles, peut-être même y déshonoré, si la fée m’eût laissé libre sur mes actions. Ce n’étaient ici, et au Tongut, que des magnificences. Chez la fée