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SEPTIÈME SOIRÉE.


le premier émir.

Un jour on avertit le sultan Génistan qu’une troupe de jeunes gens des deux sexes, qui portaient des ailes blanches sur le dos, demandaient à lui être présentés. Ils étaient au nombre de cinquante-deux, et ils avaient à leur tête une espèce de député. On introduisit cet homme dans la salle du trône, avec son escorte ailée. Ils firent tous à l’empereur une profonde révérence, le député en portant la main à son turban, les enfants en s’inclinant et trémoussant des ailes, et le député prenant la parole, dit :

« Très invincible sultan, vous souvient-il des jours où, persécuté par un mauvais génie, vous traversâtes d’un vol rapide des contrées immenses, arrivâtes dans la Chine sous la forme d’un pigeon et daignâtes vous abattre sur le temple de la guenon couleur de feu, où vous trouvâtes des volières dignes d’un oiseau de votre importance ? Vous voyez, très prolifique seigneur, dans cette brillante jeunesse, les fruits de vos amours et les merveilleux effets de votre ramage. Les ailes blanches dont leurs épaules sont décorées ne peuvent vous laisser de doute sur leur sublime origine, et ils viennent réclamer à votre cour le rang qui leur est dû. »

Génistan écouta la harangue du député avec attention. Ses entrailles s’émurent, et il reconnut ses enfants. Pour leur donner quelque ressemblance avec ceux de Polychresta, il leur fit aussitôt couper les ailes. « Qu’on me montre, dit-il ensuite, celui dont la princesse Lively fut mère.

— Prince, lui répondit le député, c’est le seul qui manque ; et votre famille serait complète, si la fée Coribella, ou dans la langue du pays, Turbulente, marraine de celui que vous demandez, ne l’avait enlevé dans un tourbillon de lumière, comme vous en fûtes vous-même le témoin oculaire, lorsque le grand Kinkinka le secouant par une aile, était sur le point de lui ôter la vie. »

Le prince fut mécontent de ce qu’on avait laissé un de ses enfants en si mauvaises mains. « Ah ! prince, ajouta le député,