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LE GULISTAN
OU
LE ROSIER DU POËTE SADI[1]


Sadi écrivait au milieu du XIIIe siècle[2]. Il avait cultivé le bon esprit que nature lui avait donné ; il fréquenta l’école de Bagdad ; il voyagea en Syrie, il tomba entre les mains des chrétiens qui le mirent aux fers, et l’envoyèrent aux travaux publics. La douceur de son caractère et la beauté de son génie lui acquirent un protecteur qui le racheta et qui lui donna sa fille. Il a composé un poëme intitulé le Gulistan, ou le Rosier. En voici l’exorde traduit à ma manière.

« Une nuit, je me rappelai la mémoire des jours que j’avais passés. Je vis combien j’avais perdu de moments, et j’en fus affligé, et je versai des larmes, et à mesure que mes larmes

  1. Cet extrait parut en 1762, numéro du 1er  novembre, dans la Correspondance de Grimm, sous ce titre : Du Poëte Sadi. Il était depuis 1759 dans le portefeuille de Diderot, qui, à cette époque, en envoyait une copie à Mlle Volland (lettre du 2 novembre). Nous reprenons dans la Correspondance de Grimm les fables que M. Brière y avait laissées, sans doute parce qu’elles sont reproduites en partie dans les Œuvres de Saint-Lambert, mais elles y sont d’une façon différente. La plus récente version de Sadi avait été donnée par d’Alègre, en 1704 ; (avons-nous réellement affaire ici à un essai de traduction du persan ? Le persan aurait-il été un instant l’occupation de la Société philosophique ? Il n’y aurait là rien d’impossible. Dans tous les cas, pour montrer que ces essais manquèrent un peu de sérieux, nous mettrons en regard de la traduction de Diderot quelques passages de celle de M. Ch. Defrémery (Gulistan, ou le Parterre de roses, Paris, Firmin Didot, 1858, in-18), à la préface de laquelle nous renvoyons pour tout ce qui concerne Sadi, au point de vue historique et littéraire. Diderot s’occupait alors de la philosophie des Sarrasins pour l’Encyclopédie, il venait de lire beaucoup de livres sur ce sujet ; c’est ce qui explique l’attribution à Sadi de passages qui ne se retrouvent pas dans cet auteur.
  2. Sixième de l’hégire (année 656, 1258 de J.-C).