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SUR LES RECUEILS
PHILOSOPHIQUES ET LITTÉRAIRES

PUBLIÉS PAR LA SOCIÉTÉ TYPOGRAPHIQUE
DE BOUILLON[1].


1769.




Ce premier recueil est assez bon ; Dieu veuille que les suivants lui ressemblent.

La première pièce, sous le titre de Fragments sur le sort de la philosophie chez les Romains, est une bonne apologie de la science. On y voit pendant un assez long intervalle de temps les princes sages et vertueux constamment amis de la philosophie, et en revanche aussi les philosophes constamment haïs, persécutés sous les princes mauvais et dissolus. L’auteur, M. Robinet, a de la chaleur, de la hardiesse et du nerf. Il dit : « Numa écrivit douze livres de philosophie ; il aurait bien fait d’en écrire douze de plus et de faire douze dieux de moins. L’étrange législateur qui enseigne que les dieux aident les hommes à s’entr’égorger ! C’est comme aujourd’hui, on les invoque dans les deux armées, quoique l’injustice soit au moins d’un côté. On annonçait à Numa l’approche de l’ennemi. « Ils viennent, répondit-il, et moi je sacrifie ; » propos d’un insensé[2]. Son prétendu commerce avec la nymphe Égérie est d’un hypocrite et d’un fourbe : les hommes seraient indignes de bonnes lois s’il fallait une bouche inspirée pour leur en faire connaître l’équité. Numa un sage ! ce ne fut qu’un fanatique, un superstitieux ; et il n’y a point de folie plus dangereuse, de vice plus monstrueux que la superstition, pas même la tyrannie. Le tyran passe, la

  1. Article de la Correspondance de Grimm, 15 décembre 1769. Les Recueils durèrent de 1769 à 1779, 10 vol. in-8o.
  2. Grimm prend ici la parole pour son compte et proteste assez longuement. Il trouve le propos de Numa d’un grand sens.