Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naissance de son affaire, et le fit étrangler… Et fit bien… Oui ; mais vous ne savez pas que ce marchand était un philosophe qui s’amusait sur ses vieux jours à prêcher contre l’évidence.


TOME VI.


Après la notice abrégée des pièces du recueil entier, on trouve un discours prononcé par l’auteur du livre des Délits et des Peines, M. le marquis Beccaria, lorsqu’il prit possession de la nouvelle chaire d’économie politique, fondée par Sa Majesté l’impératrice-reine, dans les écoles de Milan.

Il y a dans ce discours de l’éloquence et des idées grandes et fortes. Il a pour objet la science même. L’éditeur n’est pas toujours d’accord avec Beccaria. Il a fait quelques notes critiques sur différents endroits du discours, et j’avoue que je voudrais bien voir une bonne réponse à ces notes. On y soutient, par exemple, qu’il en est de la science économique tout au rebours des autres sciences, où l’on passe de l’étude des faits particuliers aux maximes générales, au lieu que dans la science économique il faut laisser de côté les faits particuliers ; et partir des principes généraux qui ont par eux-mêmes toute la clarté dont nos connaissances sont susceptibles, et dont il n’est question que de tirer des conséquences justes. On soutient aussi dans ces notes la suppression absolue de tous droits d’entrée et de sortie, et la liberté du commerce extérieur aussi illimitée que celle du commerce intérieur sans aucune distinction de matières premières et brutes, ou de matières ouvrées. Cet endroit de l’annotateur est terminé par une apostrophe au marquis Beccaria, très-vive, très-chaude et très-pathétique. On trouve dans un autre endroit une des plus violentes sorties qu’on puisse se permettre contre le siècle de Louis XIV et l’administration de Colbert. On reproche à la fin à Beccaria d’avoir omis dans son éloge des auteurs de la Science économique quelques grands noms, tels que ceux de La Rivière, de Quesnay, de Mirabeau et autres, et l’on y joint une satire très-amère de quelques hommes qu’il a cités, tels que Melon[1], par exemple. Je ne fais pas

  1. Voltaire faisait grand cas de Melon. Voyez Siècle de Louis XV, ch. iii, et Questions sur l’Encyclopédie. Melon avait été secrétaire du Régent.