Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/99

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principes sont certainement aussi détestables que leur conduite est pernicieuse ! »

Il peint ensuite la conduite de ces hommes ; les espérances, les terreurs dont il faut se garantir ; puis il ajoute :

« Notre vigilance et notre union feront notre sûreté. Évitons également le morne engourdissement et la vivacité fébrile. Remplissons-nous d’une générosité véritablement sage. Considérons-nous comme des hommes et des hommes libres. Gravons réciproquement dans nos cœurs ; disons-nous en nous rencontrant dans les rues, en entrant dans nos maisons, en en sortant, que nous ne saurions être heureux, sans être libres ; que nous ne saurions être libres sans être assurés de nos propriétés ; que nous ne saurions être assurés de nos propriétés si d’autres ont droit d’y toucher sans notre aveu ; que des taxes arbitraires nous les enlèvent ; que des droits établis dans la seule vue de lever de l’argent sont des taxes arbitraires ; qu’il faut s’opposer immédiatement et vigoureusement aux tentatives d’imposer de tels droits ; que cette opposition ne peut être efficace sans la réunion commune des efforts ; et qu’en conséquence l’affection réciproque des provinces et l’unanimité des résolutions est essentielle à notre salut. Nous sommes destinés par la nature dans l’ordre marqué des choses, pour être les protecteurs des générations à venir, dont le sort dépend de notre vertu. C’est à nous à savoir si nous donnerons la naissance à des nobles et incontestables héritiers de nos titres, ou à de bas valets de maîtres impérieux. Pour moi, je défendrai de toutes mes forces la liberté que mes pères m’ont transmise. Le ferai-je utilement ou sans fruit ? c’est de vous, mes chers compatriotes, que cela dépend. »

On nous permet la lecture de ces choses-là, et l’on est étonné de nous trouver, au bout d’une dizaine d’années, d’autres hommes. Est-ce qu’on ne sent pas avec quelle facilité des âmes un peu généreuses doivent boire ces principes et s’en enivrer ? Ah ! mon ami, heureusement les tyrans sont encore plus imbéciles qu’ils ne sont méchants ; ils disparaissent ; les leçons des grands hommes fructifient, et l’esprit d’une nation s’agrandit.