Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, V.djvu/113

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— Quoi ! on a gardé quelque mesure avec vous depuis la perte de votre procès ?

— On a cru, et l’on a dû croire que j’avais commis une faute en revenant contre mes vœux ; et l’on m’en a fait demander pardon à Dieu.

— Mais ce sont les circonstances de ce pardon que je voudrais savoir… »

Et en disant ces mots il secouait la tête, il fronçait les sourcils ; et je conçus qu’il ne tenait qu’à moi de renvoyer à la supérieure une partie des coups de discipline qu’elle m’avait fait donner ; mais ce n’était pas mon dessein. L’archidiacre vit bien qu’il ne saurait rien de moi, et il sortit en me recommandant le secret sur ce qu’il m’avait confié de ma translation à Sainte-Eutrope d’Arpajon.

Comme le bonhomme Hébert marchait seul dans le corridor, ses deux compagnons se retournèrent, et me saluèrent d’un air très-affectueux et très-doux. Je ne sais qui ils sont : mais Dieu veuille leur conserver ce caractère tendre et miséricordieux qui est si rare dans leur état, et qui convient si fort aux dépositaires de la faiblesse de l’homme et aux intercesseurs de la miséricorde de Dieu. Je croyais M. Hébert occupé à consoler, à interroger ou à réprimander quelque autre religieuse, lorsqu’il rentra dans ma cellule. Il me dit :

« D’où connaissez-vous M. Manouri ?

— Par mon procès.

— Qui est-ce qui vous l’a donné ?

— C’est madame la présidente.

— Il a fallu que vous conférassiez souvent avec lui dans le cours de votre affaire ?

— Non, monsieur, je l’ai peu vu.

— Comment l’avez-vous instruit ?

— Par quelques mémoires écrits de ma main.

— Vous avez des copies de ces mémoires ?

— Non, monsieur.

— Qui est-ce qui lui remettait ces mémoires ?

— Madame la présidente.

— Et d’où la connaissiez-vous ?

— Je la connaissais par la sœur Ursule, mon amie et sa parente.