Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, V.djvu/181

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m’en laissait l’entière liberté. J’ignore quel est le destin qui m’est réservé ; mais s’il faut que je rentre un jour dans un couvent, quel qu’il soit, je ne réponds de rien ; il y a des puits partout. Monsieur, ayez pitié de moi, et ne vous préparez pas à vous-même de longs regrets.


P. S. Je suis accablée de fatigues, la terreur m’environne, et le repos me fuit. Ces mémoires, que j’écrivais à la hâte, je viens de les relire à tête reposée, et je me suis aperçue que sans en avoir le moindre projet, je m’étais montrée à chaque ligne aussi malheureuse à la vérité que je l’étais, mais beaucoup plus aimable que je ne le suis. Serait-ce que nous croyons les hommes moins sensibles à la peinture de nos peines qu’à l’image de nos charmes ? et nous promettrions-nous encore plus de facilité à les séduire qu’à les toucher ? Je les connais trop peu, et je ne me suis pas assez étudiée pour savoir cela. Cependant si le marquis, à qui l’on accorde le tact le plus délicat, venait à se persuader que ce n’est pas à sa bienfaisance, mais à son vice que je m’adresse, que penserait-il de moi ? Cette réflexion m’inquiète. En vérité, il aurait bien tort de m’imputer personnellement un instinct propre à tout mon sexe. Je suis une femme, peut-être un peu coquette, que sais-je ? Mais c’est naturellement et sans artifice.