Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, V.djvu/207

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eût un commencement de pulsation ; qu’il fallait attendre ce que cela deviendrait. Cependant elle ne manque point d’appétit, elle dort, l’embonpoint se soutient. Je lui trouve seulement, par intervalle, un peu plus de couleur aux joues et plus de vivacité dans les yeux qu’elle n’en a naturellement. Et puis ce sont des impatiences qui me désespèrent. Elle se lève, elle essaye de marcher ; mais pour peu qu’elle penche du côté malade, c’est un cri aigu à percer le cœur. Malgré cela, j’espère, et j’ai profité du temps pour arranger son petit trousseau.

C’est une robe de calmande d’Angleterre, qu’elle pourra porter simple jusqu’à la fin des chaleurs, et qu’elle doublera pour son hiver, avec une autre de coton bleu qu’elle porte actuellement.

Plusieurs jupons blancs, dont deux de moi, de basin, garnis en mousseline.

Deux justes pareils, que j’avais fait faire pour la plus jeune de mes filles, et qui se sont trouvés lui aller à merveille. Cela lui fera des habillements de toilette pour l’été.

Quinze chemises garnies de maris, les uns en batiste, les autres en mousseline. Vers la mi-juin, je lui enverrai de quoi en faire six autres, d’une pièce de toile qu’on me blanchit à Senlis.

Quelques corsets, tabliers et mouchoirs de cou.

Deux douzaines de mouchoirs de poche.

Plusieurs cornettes de nuit.

Six dormeuses de jour festonnées, avec huit paires de manchettes à un rang, et trois à deux rangs.

Six paires de bas de coton fin.

C’est tout ce que j’ai pu faire de mieux. Je lui portai cela le lendemain des fêtes, et je ne saurais vous dire avec quelle sensibilité elle le reçut. Elle regardait une chose, en essayait une autre, me prenait les mains et me les baisait. Mais elle ne put jamais retenir ses larmes, quand elle vit les justes de ma fille. « Hé ! lui dis-je, de quoi pleurez-vous ? Est-ce que vous ne l’avez pas toujours été ? Il est vrai, » me répondit-elle ; puis elle ajouta : « À présent que j’espère être heureuse, il me semble que j’aurais de la peine à mourir. Maman, est-ce que cette chaleur de côté ne se dissipera point ? Si l’on y mettait quelque chose ? » Je suis charmée, monsieur, que vous ne désapprouviez pas mon projet, et que vous voyiez jour à le faire réussir. J’abandonne tout à votre prudence ; mais je crois devoir vous avertir que