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ÉLOGE DE RICHARDSON


AUTEUR DES ROMANS
DE PAMÉLA, DE CLARISSE ET DE GRANDISSON


1761




De 1754 à 1762 parut à Paris un recueil littéraire qui, sous le nom de Journal étranger, fut rédigé d’abord par Grimm, puis successivement par Toussaint, l’abbé Prévost, Fréron, Deleyre, Arnaud et Suard. Ces deux derniers, tous deux fort aimables, dit Grimm, mais dont l’un était fort dissipé et l’autre très-paresseux, mettaient la plupart du temps leurs amis à contribution. Diderot leur fournit, « pour la dépense du ménage, » deux articles : celui sur Richardson et celui sur Térence, que nous faisons suivre, parce que celui sur Térence, qui, au premier abord, semblerait devoir être placé dans la critique théâtrale, a trait à l’écrivain plutôt qu’à l’auteur dramatique.

L’Éloge de Richardson est ici bien à sa place. Il nous donne la raison de l’énorme distance qui sépare les premiers romans de Diderot de la Religieuse. Dans l’intervalle, Diderot avait lu Clarisse, et il s’était senti initié. Il avait compris et il avait exécuté, quoiqu’il se reproche en finissant de « n’avoir encore rien tenté qui le recommande aux temps à venir. » Il est bien évidemment l’élève, et quel élève ! du romancier anglais. Mais n’a-t-il pas exprimé ici son admiration et sa reconnaissance avec un peu plus d’enthousiasme qu’il n’était nécessaire ? Pour notre part, nous le croyons. Nous croyons que ce morceau coloré est trop coloré. Nous croyons que c’est un de ceux qui a le plus nui, parce que c’est un de ceux qui a été le plus lu, à la mémoire de Diderot, en le faisant accuser par La Harpe, par M. Nisard, par M. Saint-Marc Girardin, entre autres, de s’échauffer sur commande et de n’être qu’un déclamateur. Les critiques chauds finissent toujours par avoir tort devant les critiques froids. Ceux-ci voyant les choses un peu plus petites qu’elles ne sont, ne s’imaginent jamais que, sans hallucination, on puisse les voir un peu plus grandes, et le public est assez de leur