Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, V.djvu/253

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dant avec attention, que je découvrirai sur le marbre quelques caractères à demi tracés, et que je lirai : « Et moi aussi je vivais dans la délicieuse Arcadie. — Et ego in Arcadia[1]. »

Laissant là les autres préceptes de M. de Saint-Lambert, sur lesquels il y aurait beaucoup d’observations à faire, je remarquerai seulement que le dessein général, le but moral de son poëme a été d’inspirer à la noblesse et aux citoyens riches l’amour de la campagne et le respect pour la vie champêtre. Voyons comment il a rempli sa tâche.


CHANT PREMIER.


LE PRINTEMPS.


Le poëte commence par exposer le sujet de son poëme. Cette exposition est bien faite. Il s’adresse ensuite à Dieu, car il y croit sans doute ; il l’invoque, et son invocation est noble.

La dédicace à sa maîtresse est douce.


Ô toi qui m’as choisi pour embellir ma vie !
Doux repos de mon cœur, aimable et tendre amie, etc.


Ce premier vers : Ô toi qui m’as choisi… ne me plaît guère. En revanche, les suivants me plaisent beaucoup, surtout doux repos de mon cœur.

Le tableau de la saison qui s’ouvre est gâté par des vers louches et par un trop grand nombre de phénomènes entassés les uns sur les autres et peu décidés.

J’en dis autant du progrès de la verdure. Cependant les

  1. « Le tableau du paysage riant où l’on découvre un tombeau est le tableau sublime et célèbre du Poussin. Au reste, c’est en lisant le troisième conte de M. de Saint-Lambert, intitulé Ziméo, qu’il faut se rappeler cette théorie du philosophe sur le mélange du terrible et du voluptueux ; vous y apercevrez à chaque ligne le dessein de l’auteur de vous renvoyer de la terreur à la volupté, et de la volupté à la terreur ; et vous n’êtes pas à la troisième page sans mépriser ce jeu puéril d’escarpolette. Il y a tout juste aussi loin de ce contraste futile et pitoyable au contraste sublime du Poussin, que de la pauvreté et de la mesquinerie du copiste à l’énergie de l’homme de génie. » (Note de Grimm.)