Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, V.djvu/264

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ceux qui l’ont lu ; en vérité ce succès en vaut bien un autre[1].]

J’aurais bien envie de me taire sur les notes qui suivent l’automne ; mais je les trouve, sinon plus chaudement écrites, au moins plus importantes par leur objet que celles des chants précédents. L’auteur y parle de la réforme des lois, de l’institution de la jeunesse, de l’origine de la pitié dans nos cœurs, et de l’importance de l’agriculture. Elles sont un peu plus supportables que les précédentes ; il y a surtout deux lignes qui m’en plaisent. L’une est la comparaison des fibres animales avec les cordes vibrantes qui résonnent encore après qu’on les a pincées : ce principe est bien fécond, mais ce n’est pas entre les mains de l’auteur ; c’est une idée heureuse qu’il a eue, et je l’en félicite. L’autre est le mot du roi de Lilliput, qui disait qu’il estimerait plus un homme qui ferait sortir deux épis d’un grain de blé, que tous les politiques du monde.


CHANT IV.


L’HIVER.


Le poëte ouvre ce chant par les tempêtes et les pluies qu’amène le solstice d’hiver. Il y a un peu d’emphase dans ce morceau, quelques idées hasardées ; mais pour peu qu’on ait d’indulgence pour l’art et ses difficultés, c’est un bel exorde :

  1. Le passage entre crochets n’est pas dans l’édition de Naigeon. Il faut que Naigeon ait eu bien à se plaindre de Saint-Lambert, pour avoir obtenu de Diderot (si toutefois il lui en a parlé et ne s’est pas cru couvert par sa qualité de correcteur en titre) les changements que nous avons signalés dans ce morceau. Il est vrai que Saint-Lambert n’était pas aimable. Voici la note que Grimm avait de lui-même placée à cet endroit :

    « Le philosophe fait ici comme Pindare, qui, lorsqu’il n’avait rien à dire de son héros, chantait les louanges des dieux : ne pouvant louer le poëme, il fait l’éloge du poëte. Il est certain que M. de Saint-Lambert est estimé de tous ceux qui le connaissent ; mais on remarque dans son commerce la même aridité et la même tristesse qu’on a reprochées à ses notes ; et ceux qui le connaissent peu lui reprochent, outre la sécheresse, un ton méprisant et dédaigneux. Denis Diderot, qui a de l’onction pour dix, et qui en répand sur tout ce qui l’approche, ne souffre pas de ce défaut comme ceux qui, n’ayant reçu du ciel que la portion suffisante pour faire aller leurs rouages, n’en peuvent verser sur le rouage de leur voisin, ce qui fait que les deux rouages ne peuvent jamais aller ensemble. Au reste, le chant de l’automne est certainement le meilleur des quatre, et vous y trouverez des fragments d’une grande beauté. »