Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, V.djvu/285

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Madame de *** remercia M. le subdélégué Aubert de ses intentions, et envoya ses aumônes à M. Papin, avec le billet qui suit :


« Je vous suis très-obligée, monsieur, de vos sages conseils. Je vous avoue que l’histoire de ces deux hommes m’avait touchée ; et vous conviendrez que l’exemple d’une amitié aussi rare était bien faite pour séduire une âme honnête et sensible : mais vous m’avez éclairée, et j’ai conçu qu’il valait mieux porter ses secours à des vertus chrétiennes et malheureuses, qu’à des vertus naturelles et païennes. Je vous prie d’accepter la somme modique que je vous envoie, et de la distribuer d’après une charité mieux entendue que la mienne.


« J’ai l’honneur d’être, etc. »


On pense bien que la veuve Olivier et Félix n’eurent aucune part aux aumônes de madame de ***. Félix mourut ; et la pauvre femme aurait péri de misère avec ses enfants, si elle ne s’était réfugiée dans la forêt, chez son fils aîné, où elle travaille, malgré son grand âge, et subsiste comme elle peut à côté de ses enfants et de ses petits-enfants[1].

  1. Il est à supposer que nous n’avons pas ici la première version du conte. Nous trouvons dans une lettre à Grimm, du 21 octobre 1770, la preuve qu’il doit avoir subi divers remaniements. Voici, en effet, ce que nous y lisons :

    « J’avais pensé comme vous que l’atrocité du prêtre ôtait tout le pathétique de l’histoire de Félix. Envoyez-moi une copie de cette histoire et de celle d’Olivier, et ce que vous me demandez sera fait ; mais dépêchez-vous. »

    Dans une autre lettre du 2 novembre au même, Diderot écrit :

    « On m’a envoyé le papier de Félix, mais on aurait bien fait d’y joindre celui d’Olivier que j’avais demandé, afin de donner aux deux contes un peu d’unité. N’importe, je me passerai de celui qui me manque et je ferai de mon mieux. »

    Quelle fut la nature des corrections opérées ? Nous ne savons ; mais peut-être la lettre de M. Papin a-t-elle remplacé une intervention plus directe et plus atroce du prêtre.