Cela ne mène à rien.
Cela mène à tout.
Oui, quand on excelle ; mais qu’est-ce qui peut se promettre de son enfant qu’il excellera ? Il y a dix mille à parier contre un qu’il ne sera qu’un misérable racleur de cordes comme moi. Savez-vous qu’il serait peut-être plus aisé de trouver un enfant propre à gouverner un royaume, à faire un grand roi, qu’un grand violon !
Il me semble que les talents agréables, même médiocres, chez un peuple sans mœurs, perdu de débauche et de luxe, avancent rapidement un homme dans le chemin de la fortune. [Moi qui vous parle, j’ai entendu la conversation qui suit entre une espèce de protecteur et une espèce de protégé. Celui-ci avait été adressé au premier comme à un homme obligeant qui pourrait le servir : « Monsieur, que savez-vous ?
— Je sais passablement les mathématiques.
— Eh bien, montrez les mathématiques ; après vous être crotté dix à douze ans sur le pavé de Paris, vous aurez trois à quatre cents livres de rente.
— J’ai étudié les lois et je suis versé dans le droit.
— Si Puffendorf et Grotius revenaient au monde, ils mourraient de faim contre une borne.
— Je sais très-bien l’histoire et la géographie.
— S’il y avait des parents qui eussent à cœur la bonne éducation de leurs enfants, votre fortune serait faite ; mais il n’y en a point.
— Je suis assez bon musicien.
— Eh ! que ne disiez-vous cela d’abord ? Et pour vous faire voir le parti qu’on peut tirer de ce dernier talent, j’ai une fille : venez tous les jours, depuis sept heures et demie du soir jusqu’à neuf, vous lui donnerez leçon, et je vous donnerai vingt-cinq louis par an ; vous déjeunerez, dînerez, goûterez, souperez avec nous ; le reste de votre journée vous appartiendra, vous en disposerez à votre profit.