Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, V.djvu/484

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moi.

Je recueille tout celui que j’y mets.

lui.

Si cela était, vous n’auriez pas cet habit grossier, cette veste d’étamine, ces bas de laine, ces souliers épais et cette antique perruque.

moi.

D’accord ; il faut être bien maladroit quand on n’est pas riche, et que l’on se permet tout pour le devenir ; mais c’est qu’il y a des gens comme moi qui ne regardent pas la richesse comme la chose du monde la plus précieuse : gens bizarres.

lui.

Très-bizarres ; on ne naît point avec cette tournure d’esprit-là ; on se la donne, car elle n’est pas dans la nature.

moi.

De l’homme ?

lui.

De l’homme : tout ce qui vit, sans l’excepter, cherche son bien-être aux dépens de qui il appartiendra, et je suis sûr que si je laissais venir le petit sauvage sans lui parler de rien, il voudrait être richement vêtu, splendidement nourri, chéri des hommes, aimé des femmes, et rassembler sur lui tous les bonheurs de la vie.

moi.

Si le petit sauvage était abandonné à lui-même, qu’il conservât toute son imbécillité et qu’il réunît au peu de raison de l’enfant au berceau la violence des passions de l’homme de trente ans, il tordrait le cou à son père et coucherait avec sa mère.

lui.

Cela prouve la nécessité d’une bonne éducation ; et qui est-ce qui le conteste ? et qu’est-ce qu’une bonne éducation, sinon celle qui conduit à toutes sortes de jouissances sans péril et sans inconvénient ?

moi.

Peu s’en faut que je ne sois de votre avis ; mais gardons-nous de nous expliquer.

lui.

Pourquoi ?