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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/117

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les personnages en scène, qui se seraient fait des politesses pour rentrer dans la maison ; il aurait dit brusquement : Que le diable emporte les cérém… Mais il se serait arrêté court au milieu du mot, et, d’un ton radouci, il aurait dit à ses nièces : « Allons, mes nièces ; donnez-moi la main et passons. » — Et pour que ce personnage eût été lié au fond, vous en auriez fait un protégé du neveu de Géronte ? — Fort bien ! — Et ç’aurait été à la prière du neveu que l’oncle aurait prêté son argent ? — À merveille ! — Et ce prêt aurait été un grief de l’oncle contre son neveu ? — C’est cela même : Et le dénouement de cette pièce agréable n’aurait pas été une répétition générale, avec toute la famille en corps, de ce qu’il a fait auparavant avec chacun d’eux en particulier ? — Vous avez raison : Et si je rencontre jamais M. Goldoni, je lui réciterai la scène de l’auberge. — Et vous ferez bien ; il est plus habile homme qu’il ne faut pour en tirer bon parti.


L’hôtesse remonta, toujours Nicole entre ses bras, et dit : « J’espère que vous aurez un bon dîner ; le braconnier vient d’arriver ; le garde du seigneur ne tardera pas… » Et, tout en parlant ainsi, elle prenait une chaise. La voilà assise, et son récit qui commence.

L’hôtesse.

Il faut se méfier des valets ; les maîtres n’ont point de pires ennemis…

Jacques.

Madame, vous ne savez pas ce que vous dites ; il y en a de bons, il y en a de mauvais, et l’on compterait peut-être plus de bons valets que de bons maîtres.

Le maître.

Jacques, vous ne vous observez pas ; et vous commettez précisément la même indiscrétion qui vous a choqué.

Jacques.

C’est que les maîtres…

Le maître.

C’est que les valets…

Eh bien ! lecteur, à quoi tient-il que je n’élève une violente querelle entre ces trois personnages ? Que l’hôtesse ne soit prise par les épaules, et jetée hors de la chambre par Jacques ;