Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/136

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capitaine au régiment de ***, et voilà Jacques qui se met à faire un cri : Mon capitaine ! mon pauvre capitaine ! vous l’avez connu ?

L’hôtesse.

Si je l’ai connu ? un grand homme, bien fait, un peu sec, l’air noble et sévère, le jarret bien tendu, deux petits points rouges à la tempe droite. Vous avez donc servi ?

Jacques.

Si j’ai servi !

L’hôtesse.

Je vous en aime davantage ; il doit vous rester de bonnes qualités de votre premier état. Buvons à la santé de votre capitaine.

Jacques.

S’il est encore vivant.

L’hôtesse.

Mort ou vivant, qu’est-ce que cela fait ? Est-ce qu’un militaire n’est pas fait pour être tué ? Est-ce qu’il ne doit pas être enragé, après dix sièges et cinq ou six batailles, de mourir au milieu de cette canaille de gens noirs !… Mais revenons à notre histoire, et buvons encore un coup.

Le maître.

Ma foi, notre hôtesse, vous avez raison.

L’hôtesse.

Je suis bien aise que vous pensiez ainsi.

Le maître.

Car votre vin est excellent.

L’hôtesse.

Ah ! c’est de mon vin que vous parliez ? Eh bien ! vous avez encore raison. Vous rappelez-vous où nous en étions ?

Le maître.

Oui, à la conclusion de la plus perfide des confidences.

L’hôtesse.

M. le marquis des Arcis et Mme de La Pommeraye s’embrassèrent, enchantés l’un de l’autre, et se séparèrent. Plus la dame s’était contrainte en sa présence, plus sa douleur fut violente quand il fut parti. Il n’est donc que trop vrai, s’écria-t-elle, il ne m’aime plus !… Je ne vous ferai point le détail de toutes nos