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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/150

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avoir pu les obtenir une. Elles refusent de venir chez moi, par des idées singulières ; et quand je les visite, il faut que je laisse mon carrosse à l’entrée de la rue et que j’aille en déshabillé, sans rouge et sans diamants. Il ne faut pas trop s’étonner de leur circonspection : un faux rapport suffirait pour aliéner l’esprit d’un certain nombre de personnes bienfaisantes et les priver de leurs secours. Marquis, le bien apparemment coûte beaucoup à faire.

Le marquis.

Surtout aux dévots.

Madame de La Pommeraye.

Puisque le plus léger prétexte suffit pour les en dispenser. Si l’on savait que j’y prends intérêt, bientôt on dirait : Mme de La Pommeraye les protège : elles n’ont besoin de rien… Et voilà les charités supprimées.

Le marquis.

Les charités ?

Madame de La Pommeraye.

Oui, monsieur, les charités !

Le marquis.

Vous les connaissez, et elles en sont aux charités ?

Madame de La Pommeraye.

Encore une fois, marquis, je vois bien que vous ne m’aimez plus, et qu’une partie de votre estime s’en est allée avec votre tendresse. Et qui est-ce qui vous a dit que, si ces femmes étaient dans le besoin des aumônes de la paroisse, c’était de ma faute ?

Le marquis.

Pardon, madame, mille pardons, j’ai tort. Mais quelle raison de se refuser à la bienveillance d’une amie ?

Madame de La Pommeraye.

Ah ! marquis, nous sommes bien loin, nous autres gens du monde, de connaître les délicatesses scrupuleuses des âmes timorées. Elles ne croient pas pouvoir accepter les secours de toute personne indistinctement.

Le marquis.

C’est nous ôter le meilleur moyen d’expier nos folles dissipations.