Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/181

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Jacques.

Si, dans la chaumière où nous trouvâmes les coquins, Jacques n’avait pas valu un peu mieux que son maître…

Le maître.

Jacques, vous êtes un insolent : vous abusez de ma bonté. Si j’ai fait la sottise de vous tirer de votre place, je saurai bien vous y remettre. Jacques, prenez votre bouteille et votre coquemar, et descendez là-bas.

Jacques.

Cela vous plaît à dire, monsieur ; je me trouve bien ici, et je ne descendrai pas là-bas.

Le maître.

Je te dis que tu descendras.

Jacques.

Je suis sûr que vous ne dites pas vrai. Comment, monsieur, après m’avoir accoutumé pendant dix ans à vivre de pair à compagnon…

Le maître.

Il me plaît que cela cesse.

Jacques.

Après avoir souffert toutes mes impertinences…

Le maître.

Je n’en veux plus souffrir.

Jacques.

Après m’avoir fait asseoir à table à côté de vous, m’avoir appelé votre ami…

Le maître.

Vous ne savez pas ce que c’est que le nom d’ami donné par un supérieur à son subalterne.

Jacques.

Quand on sait que tous vos ordres ne sont que des clous à soufflet, s’ils n’ont été ratifiés par Jacques ; après avoir si bien accolé votre nom au mien, que l’un ne va jamais sans l’autre, et que tout le monde dit Jacques et son maître ; tout à coup il vous plaira de les séparer ! Non, monsieur, cela ne sera pas. Il est écrit là-haut que tant que Jacques vivra, que tant que son maître vivra, et même après qu’ils seront morts tous deux, on dira Jacques et son maître.