Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/213

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sortir de la grand’messe sous le porche, devant tout le monde ; car rien ne l’arrêtait : mais si j’ai été trop bon jusqu’à présent, et qu’ils s’imaginent que je continuerai, ils se trompent. »

Le maître.

Et ces propos, Justine les entendait de la soupente ?

Jacques.

Je n’en doute pas. Cependant Bigre le fils s’en était allé chez le fermier, avec son essieu sur l’épaule et Bigre le père s’était mis à l’ouvrage. Après quelques coups de doloire, son nez lui demande une prise de tabac ; il cherche sa tabatière dans ses poches, au chevet de son lit ; il ne la trouve point. « C’est ce coquin, dit-il, qui s’en est saisi comme de coutume ; voyons s’il ne l’aura pas laissée là-haut… » Et le voilà qui monte à la soupente. Un moment après il s’aperçoit que sa pipe et son couteau lui manquent ; et il remonte à la soupente.

Le maître.

Et Justine ?

Jacques.

Elle avait ramassé ses vêtements à la hâte, et s’était glissée sous le lit, où elle était étendue à plat ventre, plus morte que vive.

Le maître.

Et ton ami Bigre le fils ?

Jacques.

Son essieu rendu, mis en place et payé, il était accouru chez moi, et m’avait exposé le terrible embarras où il se trouvait. Après m’en être un peu amusé, « écoute, lui dis-je, Bigre, va te promener par le village, où tu voudras, je te tirerai d’affaire. Je ne te demande qu’une chose, c’est de m’en laisser le temps… » Vous souriez, monsieur, qu’est-ce qu’il y a ?

Le maître.

Rien.

Jacques.

Mon ami Bigre sort. Je m’habille, car je n’étais pas encore levé. Je vais chez son père, qui ne m’eut pas plus tôt aperçu, que, poussant un cri de surprise et de joie, il me dit : « Eh ! filleul, te voilà ! d’où sors-tu et que viens-tu faire ici de si grand matin ?… » Mon parrain Bigre avait vraiment de l’amitié pour