Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/218

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Moi.

Tout ce que vous voudrez, tout ce que vous lui avez entendu dire cent fois lorsqu’il vous a ramené votre fils.

Bigre le père.

Allons… »

Il sort, je le suis, nous arrivons à la porte de la maison ; je le laisse entrer seul. Curieux de la conversation de Bigre le père et du mien, je me cache dans un recoin, derrière une cloison, d’où je ne perdis pas un mot.

Bigre le père.

« Allons, compère, il faut encore lui pardonner cette fois.

— Lui pardonner, et de quoi ?

— Tu fais l’ignorant.

— Je ne le fais point, je le suis.

— Tu es fâché, et tu as raison de l’être.

— Je ne suis point fâché.

— Tu l’es, te dis-je.

— Si tu veux que je le sois, je ne demande pas mieux ; mais que je sache auparavant la sottise qu’il a faite.

— D’accord, trois fois, quatre fois ; mais ce n’est pas coutume. On se trouve une bande de jeunes garçons et de jeunes filles ; on boit, on rit, on danse ; les heures se passent vite ; et cependant la porte de la maison se ferme… »

Bigre, en baissant la voix, ajouta : « Ils ne nous entendent pas ; mais, de bonne foi, est-ce que nous avons été plus sages qu’eux à leur âge ? Sais-tu qui sont les mauvais pères ? Les mauvais pères, ce sont ceux qui ont oublié les fautes de leur jeunesse, Dis-moi, est-ce que nous n’avons jamais découché ?

— Et toi, Bigre, mon compère, dis-moi, est ce que nous n’avons jamais pris d’attachement qui déplaisait à nos parents ?

— Aussi je crie plus haut que je ne souffre. Fais de même.

— Mais Jacques n’a point découché, du moins cette nuit, j’en suis sûr.

— Eh bien ! si ce n’est pas celle-ci, c’est une autre. Tant y a que tu n’en veux point à ton garçon ?

— Non.

— Et quand je serai parti tu ne le maltraiteras pas ?

— Aucunement.

— Tu m’en donnes ta parole ?