Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/244

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le maître.

Il est vrai.

Jacques.

C’est l’usage des pères, lorsque leurs enfants partent pour la capitale, de leur faire un petit sermon. Ne fréquentez point mauvaise compagnie ; rendez-vous agréable à vos supérieurs, par de l’exactitude à remplir vos devoirs ; conservez votre religion ; fuyez les filles de mauvaise vie, les chevaliers d’industrie, et surtout ne signez jamais de lettres de change.

Le maître.

Que veux-tu, je fis comme les autres ; la première chose que j’oubliai, ce fut la leçon de mon père. Me voilà pourvu de marchandises à vendre, mais c’est de l’argent qu’il nous fallait. Il y avait quelques paires de manchettes à dentelle, très belles : le chevalier s’en saisit au prix coûtant, en me disant : « Voilà déjà une partie de tes emplettes, sur laquelle tu ne perdras rien. » Mathieu de Fourgeot prit une montre et deux boîtes d’or, dont il allait sur-le-champ m’apporter la valeur ; Le Brun prit en dépôt le reste chez lui. Je mis dans ma poche une superbe garniture avec les manchettes ; c’était une des fleurs du bouquet que j’avais à donner. Mathieu de Fourgeot revint en un clin d’œil avec soixante louis : de ces soixante louis, il en retint dix pour lui, et je reçus les cinquante autres. Il me dit qu’il n’avait vendu ni la montre ni les deux boîtes, mais qu’il les avait mises en gage.

Jacques.

En gage ?

Le maître.

Oui.

Jacques.

Je sais où.

Le maître.

Où ?

Jacques.

Chez la demoiselle aux révérences, la Bridoie.

Le maître.

Il est vrai. Avec la paire de manchettes et sa garniture, je pris encore une jolie bague, avec une boîte à mouches, doublée