Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/251

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page a été validée par deux contributeurs.

notre liaison cesse, ou que je sois admis sur un nouveau pied, et que Mlle Agathe fasse de moi quelque chose de mieux que ce qu’elle en a fait jusqu’à présent. Lorsque vous m’introduisîtes chez elle, convenez, chevalier, que vous me fîtes espérer des facilités que je n’ai point trouvées. Chevalier, vous m’en avez un peu imposé.

Le chevalier.

Ma foi, je m’en suis un peu imposé le premier à moi-même. Qui diable aurait jamais imaginé qu’avec l’air leste, le ton libre et gai de cette jeune folle, ce serait un petit dragon de vertu ?

Jacques.

Comment, diable ! monsieur, cela est bien fort. Vous avez donc été brave une fois dans votre vie ?

Le maître.

Il y a des jours comme cela. J’avais sur le cœur l’aventure des usuriers, ma retraite à Saint-Jean-de-Latran, devant la demoiselle Bridoie, et plus que tout, les rigueurs de Mlle Agathe. J’étais un peu las d’être lanterné.

Jacques.

Et, d’après ce courageux discours, adressé à votre cher ami le chevalier de Saint-Ouin, que fîtes-vous ?

Le maître.

Je tins parole, je cessai mes visites.

Jacques.

Bravo ! Bravo ! mio caro maestro !

Le maître.

Il se passa une quinzaine sans que j’entendisse parler de rien, si ce n’était par le chevalier qui m’instruisait fidèlement des effets de mon absence dans la famille, et qui m’encourageait à tenir ferme. Il me disait : « On commence à s’étonner, on se regarde, on parle ; on se questionne sur les sujets de mécontentement qu’on a pu te donner. La petite fille joue la dignité ; elle dit avec une indifférence affectée à travers laquelle on voit aisément qu’elle est piquée : On ne voit plus ce monsieur ; c’est qu’apparemment il ne veut plus qu’on le voie ; à la bonne heure, c’est son affaire… Et puis elle fait une pirouette,