Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/87

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Le maître.

Et à quoi jugez-vous cela ?

Jacques.

À l’air indifférent et froid avec lequel il a reçu mon remerciement ; il ne me salue point, il ne me dit pas un mot, il semble me méconnaître, et peut-être à présent se dit-il en lui-même avec un sentiment de mépris : Il faut que la bienfaisance soit, fort étrangère à ce voyageur, et que l’exercice de la justice lui soit bien pénible, puisqu’il en est si touché… Qu’est-ce qu’il y a donc de si absurde dans ce que je vous dis, pour vous faire rire de si bon cœur !… Quoi qu’il en soit, dites-moi le nom de cet homme, afin que je l’écrive sur mes tablettes.

Le maître.

Très volontiers ; écrivez.

Jacques.

Dites.

Le maître.

Écrivez : l’homme auquel je porte la plus profonde vénération…

Jacques.

La plus profonde vénération…

Le maître.

Est…

Jacques.

Est…

Le maître.

Le bourreau de ***.

Jacques.

Le bourreau !

Le maître.

Oui, oui, le bourreau.

Jacques.

Pourriez-vous me dire où est le sel de cette plaisanterie ?

Le maître.

Je ne plaisante point. Suivez les chaînons de votre gourmette. Vous avez besoin d’un cheval, le sort vous adresse à un passant, et ce passant, c’est un bourreau. Ce cheval vous conduit deux fois entre des fourches patibulaires ; la troisième, il vous dépose chez un bourreau ; là vous tombez sans vie ; de là