Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/93

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Jacques.

Je crois, mon maître, que vous vous trompez.

Le maître.

Et tu crois que je passerai trois mois dans la maison du docteur avant que d’avoir entendu le premier mot de tes amours ? Ah ! Jacques, cela ne se peut. Fais-moi grâce, je te prie, et de la description de la maison, et du caractère du docteur, et de l’humeur de la doctoresse, et des progrès de ta guérison ; saute, saute par-dessus tout cela. Au fait ! allons au fait ! Voilà ton genou à peu près guéri, te voilà assez bien portant, et tu aimes.

Jacques.

J’aime donc, puisque vous êtes si pressé.

Le maître.

Et qui aimes-tu ?

Jacques.

Une grande brune de dix-huit ans faite au tour, grands yeux noirs, petite bouche vermeille, beaux bras, jolies mains… Ah ! mon maître, les jolies mains !… C’est que ces mains-là…

Le maître.

Tu crois encore les tenir.

Jacques.

C’est que vous les avez prises et tenues plus d’une fois à la dérobée et qu’il n’a dépendu que d’elles que vous n’en ayez fait tout ce qu’il vous plairait.

Le maître.

Ma foi, Jacques, je ne m’attendais pas à celui-là.

Jacques.

Ni moi non plus.

Le maître.

J’ai beau rêver, je ne me rappelle ni grande brune, ni jolies mains : tâche de t’expliquer.

Jacques.

J’y consens ; mais c’est à la condition que nous reviendrons sur nos pas et que nous rentrerons dans la maison du chirurgien.

Le maître.

Crois-tu que cela soit écrit là-haut ?

Jacques.

C’est vous qui me l’allez apprendre ; mais il est écrit ici-bas que chi va piano va sano.