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TROISIEME ENTRETIEN. 135

"Térence a composé une pièce 1 dont voici le sujet. Un jeune homme se marie. A peine est-il marié, que des affaires l’appellent au loin. Il est absent. Il revient. Il croit apercevoir dans sa femme des preuves certaines d’infidélité. Il en est au désespoir. Il veut la renvoyer à ses parents. Qu’on juge de l’état du père, de la mère et de la fille. Il y a cependant un Dave, personnage plaisant par lui-même. Qu’en fait le poëte ? Il l’éloigné de la scène pendant les quatre premiers actes, et il ne le rappelle que pour égayer un peu son dénoûment.

« Je demande dans quel genre est cette pièce ? Dans le genre comique ? Il n’y a pas le mot pour rire. Dans le genre tragique ? La terreur, la commisération et les autres grandes passions n’y sont point excitées. Cependant il y a de l’intérêt ; et il y en aura, sans ridicule qui fasse rire, sans danger qui fasse frémir, dans toute composition dramatique où le sujet sera important, où le poëte prendra le ton que nous avons dans les affaires sérieuses, et où l’action s’avancera par la perplexité et par les embarras. Or, il me semble que ces actions étant les plus com- munes de la vie, le genre qui les aura pour objet doit être le plus utile et le plus étendu. J’appellerai ce genre le genre sérieux.

"Ce genre établi, il n’y aura point de condition dans la société, point d’actions importantes dans la vie, qu’on ne puisse rapporter à quelque partie du système dramatique.

"Voulez-vous donner à ce système toute l’étendue possible ; y comprendre la vérité et les chimères ; le monde imaginaire et le monde réel ? ajoutez le burlesque au-dessous du genre comique, et le merveilleux au-dessus du genre tragique.

MOI.

Je vous entends : Le burlesque... Le genre comique... Le genre sérieux... Le genre tragique... Le merveilleux.

DORVAL.

Une pièce ne se renferme jamais à la rigueur dans un genre. Il n’y a point d’ouvrage dans les genres tragique ou comique, où l’on ne trouvât des morceaux qui ne seraient point déplacés dans le genre sérieux ; et il y en aura réciproquement dans celui-ci, qui porteront l’empreinte de l’un et l’autre genre.

1. L’Hécyre.