Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/194

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se rend douce à soi-même par l’utilité dont elle est aux autres ?

Persuadez-vous que la vertu est tout, et que la vie n’est rien ; et si vous avez de grands talents, vous serez un jour compté parmi les héros.

Rapportez tout au dernier moment, à ce moment où la mémoire des faits les plus éclatants ne vaudra pas le souvenir d’un verre d’eau présenté par humanité à celui qui avait soif.

Le cœur de l’homme est tantôt serein et tantôt couvert de nuages ; mais le cœur de l’homme de bien, semblable au spectacle de la nature, est toujours grand et beau, tranquille ou agité.

Songez au danger qu’il y aurait à se faire l’idée d’un bonheur qui fût toujours le même, tandis que la condition de l’homme varie sans cesse.

L’habitude de la vertu est la seule que vous puissiez contracter sans crainte pour l’avenir. Tôt ou tard les autres sont importunes.

Lorsque la passion tombe, la honte, l’ennui, la douleur commencent. Alors on craint de se regarder. La vertu se voit elle-même[1] toujours avec complaisance.

Le vice et la vertu travaillent sourdement en nous. Ils n’y sont pas oisifs un moment. Chacun mine de son côté. Mais le méchant ne s’occupe pas à se rendre méchant, comme l’homme de bien à se rendre bon. Celui-là est lâche dans le parti qu’il a pris ; il n’ose se perfectionner. Faites-vous un but qui puisse être celui de toute votre vie.

Voilà, madame, les pensées que médite une mère telle que vous, et les discours que ses enfants entendent d’elle. Comment, après cela, un petit événement domestique, une intrigue d’amour, où les détails sont aussi frivoles que le fond, ne vous paraîtraient-ils pas insipides ? Mais j’ai compté sur l’indulgence de Votre Altesse Sérénissime ; et si elle daigne me soutenir, peut-être me trouverai-je un jour moins au-dessous de l’opinion favorable dont elle m’honore.

  1. Variante : Par elle-même.