Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/481

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plus nettement encore ! dites-le à tout le monde. Je suis trop pauvre pour que qui que ce soit prenne ma défense. Je n’ai plus d’ami… Un vous croira.

BEVERLEY, troublé.

D’ami ? Que parlez-vous d’ami ? Quel est-il cet ami ? J’en avais un.

STUKELY.

Et vous l’avez encore.

BEVERLEY.

Oui, écoute-moi ; je veux t’en parler. Quand je le rencontrai, j’étais le plus heureux des hommes ; j’étais comblé de fortune ; j’étais couronné de gloire et d’honneur ; j’avais la paix dans le cœur, l’amour avec la paix dans le cœur. Mais au milieu de ces riches présents du ciel, il y avait un germe de folie ; il l’aperçut, il souilla sur ce germe ; son haleine funeste le développa ; il s’accrut par lui, et tout fut étouffé, perdu, le bonheur, la fortune, l’honneur, la paix, l’amour, tout, tout, tout. Voilà ce que je dus à cet ami ; voilà ce que tu m’as été.

STUKELY.

Vous ne dites pas tout ; ajoutez que je vous tendis la main, et que ne pouvant vous tirer du précipice, je choisis d’y tomber avec vous. Mais qu’est-ce que cela signifie ? c’est moi qui vous ai ruiné, et je suis un infâme.

BEVERLEY.

Non, non, je ne le pense pas… ils sont là dedans, les infâmes.

STUKELY.

Qui sont-ils ?

BEVERLEY.

Qui ? et Dauson et les autres : ce sont des fripons, et nous sommes des dupes.

STUKELY.

À quoi vous en êtes-vous aperçu ? Je m’en suis douté, moi. Mais à chaque fois que la fortune nous favorisait, je rougissais de mes soupçons. Auriez-vous des preuves ?

BEVERLEY.

Oui, j’en ai, et de cruelles. Une autre nuit malheureuse ; une troisième plus malheureuse encore ; un malheur constant ; nulle