Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VIII.djvu/237

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Madame Bertrand.

Vous êtes un indigne, un infâme, un scélérat. Et vous m’avez crue assez vile pour accepter une pension à ce prix ? Vous vous êtes trompé ; je saurai vivre de pain et d’eau, je saurai mourir de faim, s’il le faut. J’irai chez le ministre, je foulerai aux pieds devant lui cet odieux brevet, je lui demanderai justice d’un insigne calomniateur, et je l’obtiendrai.

Monsieur Hardouin.

Il me semble que madame fait bien du bruit pour peu de chose. Elle ne songe pas qu’il n’y a que Poultier, le ministre et sa femme qui le sachent, et je vous réponds de la discrétion des deux premiers.

Madame Bertrand.

J’en ai trouvé de bien méchants, voilà le plus méchant de tous. Je suis perdue ! je suis déshonorée !

Monsieur Hardouin.

Mettons la chose au pis : le mal est fait, et il n’y a plus de remède. Plus vos cris seront aigus, plus cette histoire aura d’éclat. Ne serait-il pas mieux d’en recueillir paisiblement le fruit que d’apprêter à rire à toute la ville ? Songez, madame, que le ridicule ne sera pas également partagé.

Madame Bertrand.

Ce sang-froid me met en fureur ; et si je m’en croyais, je lui arracherais les deux yeux.

Monsieur Hardouin.

Ah ! madame, avec ces jolies mains-là ! (Il veut lui baiser les mains.)



Scène VIII.


MONSIEUR HARDOUIN ; MADAME BERTRAND, désolée et renversée dans un fauteuil ; MONSIEUR DES RENARDEAUX.
Monsieur des Renardeaux.

Qu’est ceci ? D’un côté un homme interdit, de l’autre une femme qui se désole. L’ami, est-ce une délaissée ?

Monsieur Hardouin.

Non.