Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, X.djvu/131

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endormi. Les deux figures sont de chair ; mais elles n’ont ni l’élégance, ni la grâce, ni la délicatesse qu’exigeait le sujet. L’Amour me paraît grimacer. Psyché n’est point cette femme qui vient en tremblant sur la pointe du pied ; je n’aperçois point sur son visage ce mélange de crainte, de surprise, d’amour, de désir et d’admiration qui devrait y être. Ce n’est pas assez de me montrer dans Psyché la curiosité de voir l’Amour ; il faut que j’y aperçoive encore la crainte de l’éveiller. Elle devrait avoir la bouche entr’ouverte et craindre de respirer. C’est son amant qu’elle voit, qu’elle voit pour la première fois, au hasard de le perdre. Quelle joie de le voir et de le voir si beau ! Oh ! que nos peintres ont peu d’esprit ! qu’ils connaissent peu la nature ! La tête de Psyché devrait être penchée vers l’Amour ; le reste de son corps porté en arrière, comme il est lorsqu’on s’avance vers un lieu où l’on craint d’entrer et dont on est prêt à s’enfuir ; un pied posé et l’autre effleurant la terre. Et cette lampe, en doit-elle laisser tomber la lumière sur les yeux de l’Amour ? Ne doit-elle pas la tenir écartée, et interposer sa main, pour en amortir la clarté ? Ce serait d’ailleurs un moyen d’éclairer le tableau d’une manière bien piquante. Ces gens-là ne savent pas que les paupières ont une espèce de transparence ; ils n’ont jamais vu une mère qui vient la nuit voir son enfant au berceau, une lampe à la main, et qui craint de l’éveiller.

La Jeune Grecque qui orne un vase de bronze avec une guirlande de fleurs[1]. Le sujet est charmant ; mais qu’exige-t-il ? Une grande pureté de dessin, une grande simplicité de draperie, une élégance infinie dans toute la figure. Je demande si cela y est. De l’ingénuité, de l’innocence et de la délicatesse dans le caractère de la tête. Je demande si cela y est. Toute la grâce possible dans les bras et dans leur action. Je demande encore si cela y est. C’est que c’était là le sujet d’un bas-relief et non d’un tableau.

Je n’ai remarqué ni l’Hébé du même peintre, ni la Musique, ni ses autres tableaux. Pour son Saint Germain[2], qui donne une médaille à sainte Geneviève encore enfant, je crois que

  1. Tableau de 2 pieds 9 pouces de haut sur 2 pieds de large ; no 26.
  2. Tableau de 11 pieds de hauteur sur 6 de largeur ; no 23. Pour l’église Saint-Louis, de Versailles.