Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, X.djvu/145

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ville de Paris[1] par MM. le gouverneur, le prévôt des marchands et les échevins, après sa maladie et son retour de Metz, est la meilleure satire que j’aie vue de nos usages, de nos perruques et de nos ajustements. Il faut voir la platitude de nos petits pourpoints, de nos hauts-de-chausses qui prennent la mise si juste, de nos sachets à cheveux, de nos manches et de nos boutonnières ; et le ridicule de ces énormes perruques magistrales, et l’ignoble de ces larges faces bourgeoises. Ce n’est pas qu’un talent extraordinaire ne puisse tirer parti de cela ; car quelle est la difficulté que le génie ne surmonte pas ? mais le génie où est-il ? Le roi et sa suite occupent tout un côté du tableau. C’est d’un côté son capitaine des gardes, de l’autre son premier écuyer, derrière lui M. le Dauphin, M. le duc d’Orléans et quelques autres seigneurs. L’autre côté du tableau est occupé par la Ville et ses officiers. Ce Louis XV, long, sec, maigre, élancé, vu de profil, sur un plan reculé, avec une petite tête couverte d’un chapeau retapé, est-ce là ce monarque que Bouchardon a immortalisé par sa figure de bronze qui sera érigée sur l’esplanade des Tuileries ? Celui de Roslin a l’air d’un escroc qui a la vue basse. Ce n’est pas lui, c’est certainement ce seigneur à large panse qui est si magnifiquement vêtu et qui a la contenance si avantageuse (c’est M. le Premier), qui attire les regards et qu’il faut regarder comme le principal personnage du tableau. Il couvre le roi, qu’on cherche, et qu’on ne distingue que parce qu’il a le chapeau sur sa tête.

Je ne sais si M. de Marigny[2] ressemble ; mais on le voit assis dans son portrait, la tête bien droite, la main gauche étendue sur une table, la main droite sur la hanche, et les jambes bien cadencées. Je déteste ces attitudes apprêtées. Est-ce qu’on se campe jamais comme cela ? Et c’est le directeur de nos académies de peinture, sculpture et architecture qui souffre qu’on le contourne ainsi ! Il faut que ni le peintre ni l’homme n’aient vu de leur vie un portrait de Van Dyck ; ou bien c’est qu’ils n’en font point de cas.

  1. Tableau de 14 pieds de large sur 10 de haut ; no 70. Pour la grande salle de l’Hôtel de ville. Il a été gravé par Malapau, sur le dessin de Cochin, d’après Roslin.
  2. Tableau de 4 pieds 9 pouces de haut sur 3 pieds pouces de large ; no 71. Si c’est bien ce portrait qui est actuellement à Versailles sous le no 4,417, il a dû subir une sensible réduction dans sa hauteur.