Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, X.djvu/208

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deux pastels de Mengs, aujourd’hui, je crois, premier peintre du roi d’Espagne. La Tour les regarda longtemps. C’était avant dîner. On sert, il se met à table ; il mange sans parler : puis, tout à coup, il se lève, va revoir les deux pastels et ne reparaît plus.

Ces deux pastels représentent l’Innocence sous la figure d’une jeune fille qui caresse un agneau, et le Plaisir sous la figure d’un jeune garçon enlacé de soie, couronné de fleurs et la tête entourée de l’arc-en-ciel.

Il y a de ce Mengs deux autres pastels à l’École militaire. L’un est une Courtisane athénienne ; c’est la séduction même et la perfidie. L’autre est un Philosophe stoïcien qui la regarde et qui sent son cœur s’émouvoir. Ces deux morceaux sont à vendre.


LOUTHERBOURG[1].


Phénomène étrange ! Un jeune peintre, de vingt-deux ans, qui se montre et se place tout de suite sur la ligne de Berghem. Ses animaux sont peints de la même force et de la même vérité. C’est la même entente et la même harmonie générale. Il est large, il est moelleux ; que n’est-il pas ?

Il a exposé un grand nombre de paysages. Je n’en décrirai qu’un seul.

Voyez à gauche ce bout de forêt : il est un peu trop vert, à ce qu’on dit, mais il est touffu et d’une fraîcheur délicieuse. En sortant de ce bois et vous avançant vers la droite, voyez ces masses de rochers, comme elles sont grandes et nobles, comme elles sont douces et dorées dans les endroits où la verdure ne les couvre point, et comme elles sont tendres et agréables où la verdure les tapisse encore ! Dites-moi si l’espace que vous découvrez au delà de ces roches n’est pas la chose qui a fixé cent fois votre attention dans la nature. Comme tout s’éloigne, s’enfuit, se dégrade insensiblement, et lumières et couleurs et

  1. Philippe-Jacques Loutherbourg, ou Lutherburg, dit le Jeune, né à Strasbourg en 1740, élève de son père et de Casanova, fut reçu agréé en 1763 et académicien en 1768. Il mourut à Londres en 1812. Cet artiste gravait habilement. Il a reproduit à l’eau-forte quatre petits paysages exposés à ce Salon de 1763 et représentant les quatre heures du jour. — Le Louvre ne possède point d’œuvre de Loutherbourg ; ses catalogues de peinture ne mentionnent pas même son nom. — Diderot intervertit ici l’ordre du livret. Loutherbourg n’y paraît que le dernier.