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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, X.djvu/24

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nous ; et une chose vraiment belle est assez ordinairement une chose bonne.

Pour découvrir l’occasion générale des idées du beau parmi les hommes, les sectateurs d’Hutcheson examinent les êtres les plus simples, par exemple, les figures ; et ils trouvent qu’entre les figures, celles que nous nommons belles offrent à nos sens l’uniformité dans la variété. Ils assurent qu’un triangle équilatéral est moins beau qu’un carré ; un pentagone moins beau qu’un hexagone, et ainsi de suite, parce que les objets également uniformes sont d’autant plus beaux, qu’ils sont plus variés ; et ils sont d’autant plus variés, qu’ils ont plus de côtés comparables. Il est vrai, disent-ils, qu’en augmentant beaucoup le nombre des côtés, on perd de vue les rapports qu’ils ont entre eux et avec le rayon ; d’où il s’ensuit que la beauté de ces figures n’augmente pas toujours comme le nombre des côtés. Ils se font cette objection ; mais ils ne se soucient guère d’y répondre. Ils remarquent seulement que le défaut de parallélisme dans les côtés des heptagones et des autres polygones impairs en diminue la beauté ; mais ils soutiennent toujours que, tout étant égal d’ailleurs, une figure régulière à vingt côtés surpasse en beauté celle qui n’en a que douze ; que celle-ci l’emporte sur celle qui n’en a que huit, et cette dernière sur le carré. Ils font le même raisonnement sur les surfaces et sur les solides. De tous les solides réguliers, celui qui a le plus grand nombre de surfaces est pour eux le plus beau, et ils pensent que la beauté de ces corps va toujours en décroissant jusqu’à la pyramide régulière.

Mais si entre les objets également uniformes les plus variés sont les plus beaux, selon eux, réciproquement entre les objets également variés, les plus beaux seront les plus uniformes : ainsi le triangle équilatéral ou même isocèle est plus beau que le scalène ; le carré plus beau que le rhombe ou losange. C’est le même raisonnement pour les corps solides réguliers, et en général pour tous ceux qui ont quelque uniformité, comme les cylindres, les prismes, les obélisques, etc. ; et il faut convenir avec eux que ces corps plaisent certainement plus à la vue, que des figures grossières où l’on n’aperçoit ni uniformité, ni symétrie, ni unité.

Pour avoir des raisons composées du rapport de l’uniformité