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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, X.djvu/451

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maître, et faire la statue équestre de Louis XV. Ce morceau fut porté à Versailles avec les autres. Le monarque, frappé de la beauté de celui-ci, s’adressant à ses courtisans, leur dit : « Il me semble que j’ai bonne grâce à cheval. » Il n’en fallut pas davantage pour perdre le jeune homme. On le força de briser lui-même son ouvrage, et l’usage d’exposer aux yeux du souverain les morceaux des élèves fut aboli[1]. Sur quoi, mon ami, réfléchissez à votre aise, tandis que je vais vous préparer l’article des graveurs.




LES GRAVEURS.


Si vous pensez, mon ami, que, parmi cette multitude innombrable d’hommes qui tracent des caractères alphabétiques sur le papier, il n’y en a pas un qui n’ait sa manière d’écrire, assez différente d’un autre, pour qu’un expert qui sait son métier n’en puisse attester par serment et former la sentence du juge[2],

  1. Ce récit est de tout point authentique, quoique Naigeon le jeune, s’appuyant sur le caractère bienveillant et l’honnêteté de Bouchardon, ait cru devoir le révoquer en doute, dans une des notes manuscrites dont nous avons fait quelquefois usage. Il est confirmé par les renseignements contenus dans une Notice historique sur Laurent Guyard, sculpteur chaumontois, extraite des Mémoires de la Société d’agriculture, sciences et arts de la Haute-Marne, rédigée par M. Varney et lue en 1814 (Chaumont, 1860, in-8o). Le jeune élève de Bouchardon, qui avait débuté comme apprenti d’un maréchal ferrant à Langres, avait fait, en 1754, un modèle en ronde bosse du Roi, à cheval, vêtu à la gauloise. Ce modèle, exposé avec les autres ouvrages des six pensionnaires de l’École des élèves protégés, avait attiré l’attention du roi. Sur l’expression de sa satisfaction, Mme de Pompadour voulut l’engager à confier à Guyard l’exécution du monument projeté ; mais Guyard lui-même contribua à faire rendre justice à son maître qui continua le travail commencé, mais conserva toujours une certaine rancune contre son élève. Quand à l’Académie, qui voyait dans l’École une rivale, elle ne cessa de faire tous ses efforts pour lui nuire. Voir : l’École royale des élèves protégés ; par Louis Courajod, Paris, Dumoulin, 1874, in-8o.
  2. Vous prenez mal votre temps, mon cher philosophe, pour me faire croire la science des écrivains experts et à l’infaillibilité de leurs décisions. L’année passée, je vous aurais peut-être accordé tout ce que vous m’auriez dit la-dessus, et j’aurais fait comme ces sauvages qui, quand ils ont une fois pris leur missionnaire en affection, se font volontiers chrétiens pour lui faire plaisir. Ils trouvent que cela