excellent ouvrage sur le goût, et l’apologie de celui que j’ai pour vous, chères sœurs…
LXXVIII
Je reconnais toutes les circonstances de votre incendie ; les femmes qui pleurent, des hommes qui travaillent, d’autres qui regardent ou qui volent, des enfants qui s’effraient comme si l’univers allait périr, de plus jeunes qui jouent comme si tout était en sûreté ; lorsque la frayeur des suites de cet événement pour le reste des bâtiments a été passée, j’ai commencé à trembler pour votre santé. Vous m’assurez que vous vous portez bien toutes, et vous me l’assurez si positivement qu’il faut bien que je vous croie. Dites à Uranie que je ne me ferai jamais à cette indifférence que je lui vois sur la conservation d’une femme qui nous est si chère ; cette femme, c’est elle ; quelle injure elle nous fait à tous ! Est-ce bien sincèrement qu’elle nous aime, si peu soigneuse de faire durer notre bonheur ? Si elle y regardait de bien près, surtout avec cette délicatesse de penser dont elle est douée, elle verrait qu’elle n’est ni assez bonne mère, ni assez bonne fille, ni assez bonne sœur, ni assez bonne amie. Nous permettrait-elle de nous conduire comme elle ? Peut-elle avec quelque équité se permettre ce qu’elle nous défendrait ? Mais laissons cette corde que j’ai déjà touchée plusieurs fois, et à laquelle je reviendrai toutes les fois que je la verrai ou saurai souffrante. Elle a beau négliger sa vie ; elle ne la perdra pas quand elle voudra, et en attendant elle ne connaîtra pas toute l’énergie de son âme. Il faudra que toutes ses fonctions se ressentent de la faiblesse de ses organes ; elle ne sentira, ne pensera, ne parlera, n’agira point avec cette force qu’on ne tient que d’une machine bien disposée ; elle sortira de ce monde sans avoir connu tout ce qu’elle valait, ni l’avoir montré aux autres. Il y a des moments où elle a été satisfaite d’elle-même ; et elle néglige le moyens de les multiplier. Permettez, Uranie, à un homme qui regrette tout le bien que vous pouvez faire,