mieux conditionnée ; avec de l’eau chaude, de la diète, des médecines de maman, on guérit tout ; il faut encore y ajouter son tempérament et le mien. Présentez-lui mon respect et à Mme et à Mlle de Blacy. Embrassez-vous l’une et l’autre pour moi ; c’est une commission qui ne vous sera pas désagréable et que j’aimerais bien autant faire moi-même. Il y en a une des deux que j’embrasserais bien deux fois. Devinez laquelle ? « Voilà, dira la petite sœur, de ces coquetteries qu’il a sans cesse et que je ne lui passerais pas. — Eh ! madame, de quoi vous mêlez-vous ? Ce n’est peut-être pas vous que je veux embrasser deux fois. Oh ! pour une, il serait sûr que cela me ferait grand plaisir, et parce que quand on embrasse on est tout contre l’embrassée, et que cette fois-ci l’embrassée serait tout contre celle que j’aime. Si ce que je dis là pouvait la dépiter un peu ! Adieu, mon âme ; adieu, mon amie, ma vie, et tout ce qui m’est cher. Dimanche, attendez-vous encore à quelque billet.
XCV
Enfin, chère amie, m’en voilà quitte après quinze jours du travail le plus opiniâtre. Grimm, qui porte l’intégrité en tout, se reproche l’interruption de notre commerce qu’il regarde avec juste raison comme l’unique douceur qui nous reste ; mon absence de la synagogue de la rue Royale où j’étais désiré par mes amis ; le danger auquel il croit qu’il a exposé ma santé par une aussi longue solitude, et des tours de force qu’il prétend qu’on ne fait impunément à aucun âge, moins encore au mien et au sortir d’un travail de vingt années ; au demeurant il est resté stupéfait. Il jure sur son âme, dans deux ou trois de ses lettres, qu’aucun homme sous le ciel n’a fait et ne fera jamais un pareil ouvrage sur cette matière. Quelquefois c’est la conversation toute pure comme on la fait au coin du feu ; d’autres fois, c’est tout ce qu’on peut imaginer ou d’éloquent ou de profond. Je me trouve tiraillé par des sentiments tout opposés.