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Je ferais du chemin pour le seul plaisir d’embellir une fois votre cellule. Tenez-moi donc pour arrivé, si les affaires du prince ne s’opposent à rien. Mais mon Salon ? N’importe. Maman, vous me désirez, et vos désirs sont des ordres et des ordres bien doux.

Mme de Blacy, qui n’est pas des plus fines, à ce que je crois, ou qui l’est beaucoup, y avait vu tout aussi clair que vous. Ce n’est donc pas assez de vous aimer ; il faut vous le dire ; eh bien ! je vous le dis. Entendez-vous ? je vous aime, je vous aime, je vous aime de tout mon cœur, et je n’aimerai jamais que vous. Bonsoir, mon amie.


CVII


Au Grandval, le 28 septembre 1767.


Je suis toujours au Grandval. Damilaville s’était engagé à venir me reprendre aujourd’hui lundi ; mais n’ayant pu former une carrossée, c’est partie remise à mercredi. Mercredi donc je serai à Paris, où vous pourriez bien être arrivée avant moi. Je ne vous dirai pas un mot de la vie que nous menons ici. Un peu de travail le matin, une partie de billard, ou un peu de causerie au coin du feu en attendant le dîner ; un dîner qui ne finit point, et des promenades qui m’auraient conduit à Isle et par-delà, si, depuis huit à neuf jours que je suis ici, elles avaient été mises l’une au bout de l’autre. Nous avons aujourd’hui visité la maison et les jardins de M. d’Ormesson d’Amboile. Il a dépensé des sommes immenses pour se faire la plus triste et la plus maussade demeure qu’il y ait à vingt lieues à la ronde. Imaginez un château gothique enfoncé dans des fossés, et masqué de tous côtés par des hauteurs ; des terrasses sans vues ; des allées sans ombre ; partout l’image du chaos. Si jamais je rencontre cet homme ou son intendant, je ne pourrai jamais m’empêcher de le ruiner par un projet qui embellirait certainement cette demeure, mais qui ne coûterait pas moins de sept à huit cent mille francs. Il y a en face du château une