Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/330

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quement, je l’ai pris par la main ; je lui ai dit : « Monsieur Panckoucke, en quelque lieu du monde que ce soit, dans la rue, dans l’église, en mauvais lieu, à qui que ce soit, il faut toujours parler honnêtement ; mais cela est bien plus nécessaire encore quand on parle à un homme qui n’est pas plus endurant que moi, et qu’on lui parle chez lui. Allez au diable… vous et votre ouvrage ; je n’y veux point travailler. Vous me donneriez vingt mille louis, et je pourrais expédier votre besogne en un clin d’œil, que je n’en ferais rien. Ayez pour agréable de sortir d’ici, et de me laisser en repos. » Ainsi, voilà, je crois, une inquiétude bien finie.

Le Père de Famille a continué d’avoir le plus grand succès. Toujours pleine salle, malgré la solitude de Paris. C’est après-demain la dernière représentation ; ils ne veulent pas l’user ; ils le réservent pour l’hiver prochain ; et d’ailleurs Mole n’y suffirait pas plus longtemps.

Je me trouvai, il y a huit jours, à l’orchestre entre M. Perronet et Mme de La Ruette. Je m’invitai à aller voir ses travaux à Neuilly, à condition que nous ne serions que quatre, en le comptant. Bon ; voilà le jour venu ; le rendez-vous était chez moi ; ce n’est plus M. Perronet qui me vient prendre, c’est M. de Senneville ; nous allons, et nous nous trouvons quatorze ou quinze à table, sans compter le maître de la maison qui ne vint point. Cela se passa fort bien : M. de Senneville fut on ne peut plus gai et plus affable ; nous parlâmes un peu de Mme Le Gendre ; il convint qu’il avait eu le cœur un peu égratigné. Nous revînmes ensemble dans la voiture de M. Perronet ; il me déposa au Pont-Tournant, et nous nous séparâmes assez contents l’un de l’autre.

Je vis beaucoup dans ma robe de chambre ; je lis, j’écris ; j’écris d’assez bonnes choses, à propos de fort mauvaises que je lis. Je ne vois personne, parce qu’il n’y a plus personne à Paris. M. Bouchard m’a fait une visite, et j’ai été fort aise de le voir venir de la rue des Vieux-Augustins, rue Taranne, grimper à un quatrième étage ; c’est la tâche d’un homme en train de se bien porter.

Lorsqu’il n’y a point de livres nouveaux dont je puisse rendre compte, je fais des extraits de livres qui ne sont pas, en attendant qu’on les fasse. Quand cette ressource, qui est assez