Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/389

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dessus de toute autre considération que celle du bien général. Cependant il n’ignorait pas toutes les haines auxquelles il s’exposait.

Dites à M. Target qu’il se concilia la plus haute estime du gouverneur, même en le contredisant, parce qu’heureusement ce gouverneur était un excellent homme.

Dites et redites à M. Target que le gouverneur lui ayant offert d’acquitter ses dettes en le plaçant dans la classe des colons insolvables, il lui répondit avec noblesse que, quand il aurait vendu tout ce qu’il possédait et qu’il en aurait distribué le montant à ses créanciers, il saurait s’il était insolvable ou non, qu’il ne lui convenait pas d’accepter des secours plus nécessaires à d’autres qu’à lui, et qu’il ne lui restait que l’honneur et un peu de crédit, deux biens inestimables qu’il ne sacrifierait jamais. Discours que le colon le plus opulent n’aurait pas tenu.

Dites à M. Target que Vallet de Fayolle n’a jamais été ébranlé par le pernicieux exemple d’une multitude de coquins qui prospéraient autour de lui ; et que, pendant quinze ans de suite, il a mieux aimé supporter l’indigence que d’en sortir par les voies déshonnêtes et usitées.

Dites à M. Target qu’il continue de s’épuiser de travail dans le cabinet de M. de Fiedmond, qui l’a bercé jusqu’à présent d’éloges et leurré d’espérances qu’il ne réalisera jamais, parce que M. de Fiedmond n’a garde de se priver d’un homme intelligent et vertueux en qu’il a mis toute sa confiance et qui lui est essentiel.

Dites enfin à M. Target de ne pas croire un seul mot de tout ce que je viens d’avancer ; mais de s’en rapporter à un juge difficile, qui se connaît en hommes et en vertus, M. Malouet.

Il est digne de M. Target de tendre la main, sinon au seul, du moins au plus honnête homme qu’il y ait à Cayenne en lui accordant la direction des biens des Jésuites, poste qui est vacant et de sa nomination.

J’ai entendu dire, même aux ennemis de Vallet de Fayolle, qu’ils ne connaissaient aucunes fonctions, quelque importantes qu’elles fussent, qu’il ne méritât pas ses vertus et ses lumières.

Monsieur et cher abbé, si vous réussissez, vous aurez ajouté à vos bonnes œuvres une action excellente ; vous me l’appren-