Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/41

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de l’abbé, et lui dit : « Monsieur, il ne paraît pas que nous sommes là en bonne compagnie : vous devriez demander une chambre à deux lits pour nous. » L’abbé obligeamment la demanda, et l’obtint. On mit les deux filles dans une autre chambre à deux lits, les deux moines dans une troisième chambre à deux lits, et le secrétaire du sénateur dans un cabinet, seul. Chacun retiré, le Jésuite entreprit l’abbé de conversation, de son lit au sien. Tandis que l’abbé et le Jésuite causaient, un des moines attendait que l’autre moine fût endormi, afin d’aller trouver les filles. Le Bernardin fut le plus pressé ; il se lève sur la pointe du pied, il va dans la chambre des filles, il rencontre un lit, il tâte, il était vide : une des filles, qui l’occupait, était allée causer avec le secrétaire. Il va à l’autre lit, il y trouve l’autre fille, et se place à côté d’elle. Cependant le Bénédictin s’avançait sur ses pas ; il arrive droit au lit du Bernardin et de la fille ; ce fut le Bernardin qui lui tomba sous la main ; il le happe par le cou, il le traîne au milieu de la chambre, et se met à sa place. L’autre se relève, et s’en va tomber à coups de poing sur son rival ; il frappe à tort à travers ; la fille en reçoit un dans l’œil, et se met à faire des cris affreux. Les deux moines, en chemise, se battent, et font aussi des cris affreux. Le Jésuite, qui causait avec l’abbé, effrayé, se lève, court au lit de l’abbé et lui dit : « Monsieur, entendez-vous ces cris ? Je me meurs de peur ; de grâce, faites-moi une petite place à côté de vous. » Le moyen, ajoute l’abbé, de renvoyer ce pauvre Jésuite ! il avait si peur ! Et pendant que le Jésuite se rassure, quoique le bruit augmente, l’hôte monte. On laisse une des filles couchée avec le secrétaire, on enferme l’autre sous clef, on sépare les deux moines, et le reste de la nuit se passa fort bien.

Le père Hoop se porte un peu mieux. Il m’a dit, à l’occasion du nouveau roi d’Angleterre, une histoire très-cynique. Adieu, ma tendre amie, il se fait tard. Je vous écris chez Damilaville. Je me porte mal. Je n’aime point à me faire attendre, je m’en vais. M. Gaschon a envoyé chez moi ce matin savoir comment je me portais. Je lui ai donné rendez-vous pour dimanche matin chez Mlle Boileau. S’il se porte bien, si je me porte bien, si je me porte mieux, nous causerons un peu gaiement. Vous vous doutez bien qu’il sera aussi un peu mention de vous.

Adieu, j’ai les yeux faibles, la tête fatiguée ; j’écris sans