Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/436

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terminés, toujours quelque espérance qu’ils se trompent ; mais que cela soit ou non, je ne suis point de leur avis. Je crois en Dieu, quoique je vive très-bien avec les athées. Je me suis aperçu que les charmes de l’ordre les captivaient malgré qu’ils en eussent ; qu’ils étaient enthousiastes du beau et du bon, et qu’ils ne pouvaient, quand ils avaient du goût, ni supporter un mauvais livre, ni entendre patiemment un mauvais concert, ni souffrir dans leur cabinet un mauvais tableau, ni faire une mauvaise action : en voilà tout autant qu’il m’en faut ! Ils disent que tout est nécessité. Selon eux, un homme qui les offense ne les offense pas plus librement que ne les blesse la tuile qui se détache et qui leur tombe sur la tête : mais ils ne confondent point ces causes, et jamais ils ne s’indignent contre la tuile, autre conséquence qui me rassure. Il est donc très-important de ne pas prendre de la ciguë pour du persil, mais nullement de croire ou de ne pas croire en Dieu : « Le monde, disait Montaigne, est un esteuf qu’il a abandonné à peloter aux philosophes », et j’en dis presque autant de Dieu même. Adieu, mon cher maître.


II

À BERNARD DU CHÂTELET
GOUVERNEUR DU CHÂTEAU DE VINCENNES[1]


À Vincennes, ce 30 septembre 1749.
Monsieur,

Lorsque vous me fîtes sortir du Donjon, vous eûtes la bonté de me promettre que les cahiers que j’y avais écrits me seraient rendus. Si vous les avez parcourus, vous vous serez aperçu que des observations, bonnes ou mauvaises, sur l’Histoire naturelle composent la plus grande partie de ce qu’ils contiennent. On travaille actuellement à une seconde édition de cet ouvrage, et je serais bien aise de communiquer mes remarques à M. de Buffon

  1. Inédite. Bibliothèque nationale. Département des manuscrits. (Réserve.)