Il regagne sa demeure aérienne ; Mlle Hus, de son côté, a, de quart d’heure en quart d’heure, des petits besoins. Elle sort, elle va de son belvédère dans la cour, cherchant une issue à son prisonnier, sans la trouver. M. Bertin voit tout cela sans rien dire ; le piquet s’achève ; le souper sonne ; ou sert ; on soupe. Après le souper, ou cause. Après avoir causé jusqu’à minuit, on se retire, M. Berlin chez lui, Mlle Hus chez elle. M. Bertin dort ou paraît dormir profondément. La petite Hus descend, va dans les offices, charge sur des assiettes tout ce qui lui tombe sous la main, sert un mauvais souper à son ami, qui se morfondait au haut du belvédère, d’où il descend dans son appartement. Après souper, on délibère sur ce qu’on fera. La fin de la délibération, ce fut de se coucher, pour achever de se communiquer ce qu’on pouvait encore avoir à se dire. Ils se couchèrent donc ; mais comme il y avait un peu plus d’inconvénient pour M. Vielard à se lever une heure trop tard qu’une heure trop tôt, il était tout habillé, lorsque M. Bertin, qui avait apparemment fait la même réflexion, vint sur les huit heures frapper à la porte de Mlle Hus ; point de réponse. Il refrappe, on s’obstine à se taire. Il appelle, on n’entend pas. Il descend, et tandis qu’il descend, la garde-robe de Mlle Hus s’ouvre, et Vielard regrimpe au belvédère. Pour cette fois, il y trouve en sentinelles deux laquais de son rival. Il les regarde sans s’étonner, et leur dit : « Eh bien ! qu’est-ce qu’il y a ? Oui, c’est moi, pourquoi toutes les portes sont-elles fermées ? » Comme il achevait cette courte harangue, il entend du bruit sur les degrés au-dessous de lui. Il met l’épée à la main, il descend, il rencontre l’intendant de M. Bertin, accompagné d’un serrurier ; il présente la pointe de l’épée à la gorge du premier, en lui criant : « Descends, suis-moi et ouvre, ou je te tue. » L’intendant, effrayé du discours et de la pointe qui le menaçait, oublie qu’il est sur un escalier, se renverse en arrière, tombe sur le serrurier, et le culbute. L’intrépide Vielard profite de leur chute, leur passe sur le ventre, saute le reste des degrés, arrive dans la cour, va à la principale porte où il trouve un petit groupe de femmes qui jasaient tout bas. Il leur crie d’une voix troublée, d’un œil hagard, et d’une épée qui lui vacillait dans les mains ; « Qu’on m’ouvre ! » Toutes ces femmes effarouchées se sauvent en poussant des cris. Vielard aperçoit la grosse clef à la porte, il ouvre ; le voilà dans la rue, et de la
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