Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à qui que ce soit au monde, à moins qu’on en veuille à la nôtre ?… S’il est permis de tuer pour un vol, il n’y a rien pour quoi on ne puisse tuer : on tuera pour une épingle. Si l’homicide ordonné par les lois n’était pas une convention à laquelle nous avons tous souscrit, je ne sais comment on pourrait le justifier. À quoi servent les lois, si vous vous mettez à leur place, et si vous sévissez pour des crimes inconnus ? Qui est-ce qui vous justifiera aux yeux des hommes ? J’ai bien peur que votre solution ne vous embarrasse que parce que vous avez fait entrer dans le problème des conditions impossibles. Restez dans la nature ; ne sortez pas de votre condition ; supposez l’ordre nécessaire, et vous verrez que tous vos fantômes s’évanouiront si le crime est inconnu, et que rien ne justifie votre châtiment ; ne voyez-vous pas que celui qui s’arroge le même despotisme que vous peut sévir contre vous, sans blesser ni l’humanité, ni la justice, ni sa conscience, ni les lois ? Appuyez sur cette réflexion, que sans mission, sans caractère, vous jugez de toute la vie d’un homme sur quelques instants. Hélas ! ce malheureux que vous anéantissez pour une action, qui vous a dit qu’il n’en a pas par-devers lui plusieurs pour lesquelles vous le ressusciteriez, mieux connu de vous ? Ne vous êtes vous assise sur le tribunal que pour exterminer ? — Vous laissez en sûreté les gens de bien. — Mais ce n’est pas de ceux-là qu’il s’agit, c’est de la foule, qui est alternativement bonne ou mauvaise. Faites d’abord le triage de leur mérite et de leur démérite, et puis après vous prononcerez.

Votre migraine était une indigestion. Mais à, quoi sert donc que vous ayez la sagesse à côté de vous, si vous faites tout ce qu’il vous plaît ? Uranie, Uranie, vous oubliez votre devoir, et c’est à vous que je m’en prendrai. Ici je lui disais : Je ne veux pas que vous mangiez davantage, et elle m’obéissait. L’amitié serait-elle moins attentive ou moins absolue que l’amour ?

Savez-vous comment je me suis vengé de Grimm ? D’abord il a lu le volume sur les tableaux, et il l’a trouvé rempli d’idées fines et très-agréables. Pendant qu’il le lisait, je lui faisais deux autres morceaux, que je viens de lui envoyer, l’un sur les probabilités des événements, l’autre sur les avantages ou les désavantages de l’inoculation, sujets de deux mémoires que d’Alembert vient de publier avec d’autres opuscules mathéma-